7è Rencontres chorégraphiques : L’Afrique danse à Tunis

7è Rencontres chorégraphiques : L’Afrique danse à Tunis

jeudi 8 mai 2008.
 
Des mouvements, des pas, de la musique, tantôt lents, tantôt accélérés, c’est ce que donnent à voir et à vivre, les danseurs venus de plusieurs pays du continent. L’évènement, ce sont les rencontres chorégraphiques, 7e du genre. Elles se tiennent à Tunis depuis le 1er mai et prendront fin le 8 mai prochain. Mais les danseurs (170) en compétions venus de plus de 29 pays d’Afrique et de Madagascar, rivalisent d’ardeurs et de talents pour convaincre le jury, mais aussi les spectateurs.

Ils sont venus à Tunis pour exprimer avec leur corps, la vie, les joies et les peines du continent. Ils sont venus à Tunis pour dénoncer, avec leur corps, la corruption, les guerres, les viols, les souffrances, les violences de ces hommes et femmes laissés pour compte. Ils sont à Tunis pour dire l’amour, mais aussi et surtout donner l’amour. Leur amour pour la danse, leur amour pour leur continent à travers les spectacles qu’ils offrent. Le ton a été donné dès le spectacle d’ouverture qui a eu lieu au théâtre municipal. Dans « Tounsi », Imed Jemâa chorégraphe tunisien, dénonce avec ses 7 jeunes la vision réductrice du politique sur la volonté de la jeunesse tunisienne.

Le football remplace l’école, l’amour prend la place de l’amour au sein d’une jeunesse en proie au désoeuvrement. « La palette du vocabulaire chorégraphique s’enrichit au contact des danses urbaines dont s’empare la jeunesse des quartiers populaires pour sa charge contestataire. Découverte du corps, au plaisir d’en jouer, de défier, à travers la prouesse technique, les rigidités de la société dont le football, sport roi du pays qui impose ses codes, ses postures... ». Telle est la source dans lequel Imed tire son inspiration. Ness El Fen (centre de la danse de Tunis à l’image du CDC au Burkina) vendredi 2 mai les festivaliers ont rendez-vous avec le chorégraphe marocain Taoufiq IZEDDIOU. La salle est comble.

En 45mn le jeune chorégraphe dévoile avec une interprétation magistrale de cinq danseuses, les joies et les peines de la femme marocaine. Une démarche à travers laquelle Taoufiq met les interprètes et le public dans un rapport de notre vie quotidienne. « C’est une façon de poser très directement les questions de nos corps dans la vie de tous les jours qui est faite de codes de transgressions acceptées ou non, d’hypocrisies aussi, une manière pour moi de poser la question de savoir où nous sommes par rapport à tout cela ?... » Dira Taoufiq. Une heure de communion. Communion, intense entre la musique et les corps. C’est « un pas de côté » que la compagnie Salia nï Seydou et Ars Nova ensemble instrumental ont servi au théâtre municipal le vendredi 2 à 20h. Le public a juste eu le temps de digérer les premières pièces de solo en concours qui avaient lieu au théâtre Ibn Rachiq.

Un pas de côté, pour sortir de son rang, comme si musiciens et danseurs ne formaient plus qu’un seul corps (de ballet) musical ou un unique orchestre dansant. « Aujourd’hui des disciplines différentes se croisent sur le plateau. C’est nécessaire. C’est aussi une façon d’éviter la scission entre les pratiques. » Nous dira Seydou après son triomphe du théâtre municipal. Ars Nova, excellent dans cet exercice aussi chorégraphique qu’acoustique, ne ménage pas ses efforts pour accompagner les danseurs dans des tourbillons atonaux desquels émergent parfois des rythmes et des mélodies plus reconnaissables. « La musique jouée par des musiciens, ce n’est pas seulement du son. C’est aussi une personne qui respire, qui bouge, derrière son instrument… » Soutient Salia.

Des talents prometteurs

La pierre angulaire de la manifestation reste le concours interafricain. Véritable tremplin pour les jeunes chorégraphes, il a révélé cette année encore des talents. Pour cette septième édition, les rencontres se sont enrichies d’une section solo. Le concours, ouvert aux compagnies et aux chorégraphes solistes vivant et travaillant sur le continent africain et de l’Océan indien a tenu toutes ses promesses.

Le concours qui s’est déroulé les 2,3 et 4 mai a concerné des œuvres d’une durée comprise entre 20 et 30 minutes pour les compagnies et ne pouvant réunir plus de 6 interprètes sur le plateau, et d’une durée comprise entre 10 et 15 minutes pour les solos. Dans ces catégories deux représentants burkinabè y ont participé. Il s’agit de la compagnie d’Art-Dev d’Auguste Bienvenu qui a présenté la pièce « Trace ». En solo, le Burkina a été représenté par Lebeau Boumpoutou avec sa pièce « Carrefour ». Les concurrents ont livré des pièces de très belles factures. Ce qui ne va pas du tout faciliter le travail du jury présidé par Guy Darmet, président de la Maison de la Danse et de la Biennale de danse de Lyon en France.

Les 7es rencontres de Tunis ont connu leur apothéose en début de matinée du lundi 5 mai avec la proclamation des résultats du concours. Le premier prix en solo est revenu à Pape Ibrahim N’diaye du Sénégal pour sa pièce « J’accuse ». Une pièce de 17 minutes dans laquelle le danseur s’insurge contre les injustices de ce monde notamment des Africains qui s’autoflagellent. « Je suis Ibrahima N’Diaye, Sénégalais et Africain, j’ai besoin d’un visa pour aller dans un pays africain » lance l’artiste sur scène.

Le premier prix en catégorie compagnie est revenu au Sud africain de Thabiso Pule et Thami Manekehla Inzalo DTC. Une pièce de 35mn dans laquelle avec un habile dispositif scénographique faisant coexister deux mondes, deux actions parallèles dans un même espace de temps.

Le deuxième prix est revenu au Congolais Delavallet avec la pièce « D’une route à l’autre » et le prix RFI au Tunisien Nejib Ben KALFALLHA de la compagnie qui porte son nom avec sa pièce Mhayer Sika. Tous ces lauréats sauf le prix RFI bénéficieront d’une promotion de leur œuvre à travers le monde avec le soutien de Cultures France. En attendant, la fête continue jusqu’au 8 mai prochain, et nous y reviendrons dans nos prochaines éditions dans les détails sur ce séjour tunisien.

Par Frédéric ILBOUDO Envoyé spécial à Tunis

L’Opinion



13/05/2008
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