La Charte de Kurukanfuga où la première constitution au monde

La Charte de Kurukanfuga, une constitution avant l’ère des constitutions

 

Une rencontre autour de la Charte de Kurukanfuga s’est tenue à l’Hôtel de l’Amitié de Bamako, du 27 au 30 juillet 2004. Organisée par le Ministère de la Culture en collaboration avec l’Union Africaine, la rencontre a regroupé une trentaine de participants, chercheurs, institutionnels et professionnels du patrimoine venant du Burkina Faso, de la Guinée-Conakry, la Guinée Bissau, du Niger, du Sénégal et du Mali. Elle avait pour objet d’étudier la « Charte de Kurukanfuga » et d’échanger sur les voies et moyens de sa valorisation. Les cérémonies d’ouverture et de clôture ont été présidées par le Ministère de la Culture, Monsieur Cheick Oumar Sissoko. Voici ci-dessous, le texte de base contenant les 44 (quarante quatre) articles plutôt les 44 (quarante quatre) consignes consensuelles règlementant l’organisation sociale, le respect du bien privé, la préservation de la nature. Cette rencontre de Bamako avait pour objectifs de restituer les résultats des rencontres précédentes organisées par le CELTHO, Centre d’Etudes Linguistiques et Historiques par la Tradition Orale à Kankan (mars 1998) Mopti (juin 1999), Niamey (février 2002).

 

Les représentant du mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236 à Kurukanfuga (actuel cercle de Kangaba en République du Mali) après l’historique bataille de Kirina ont adopté la Charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue.

 

I.                    De l’organisation sociale

 

Article 1er : La société du grand mandé est divisée en seize (16) porteurs de carquois, cinq (05) classes de marabouts, quatre (04) classes de nyamakala. Chacun de ces groupes a une activité et un rôle spécifique.

 

Article 2 : Les nyamakala se doivent de dire la vérité aux Chefs, d’être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur l’ensemble du royaume.

 

Article 3 : Les morikanda lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres et nos éducateurs en islam. Tout le monde leur doit respect et considération.

 

Article 4 : La société est divisée en classes d’âges. A la tête de chacune d’elles est élu un chef. Sont de la même classe d’âge les personnes (hommes ou femmes) nées au cours d’une période de trois années consécutives. Les kangbè (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés pour participer à la prise des grandes décisions concernant la société.

 

Article 5 : Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, toute tentation d’enlever la vie à son prochain est punie de la peine de mort.

 

Article 6 : Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le kön gben wölö (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et l’oisiveté.

 

Article 7 : Il est institué entre les mandenka le sanankunya (cousinage à plaisanterie) et le tanamanyöya (forme de totémisme). En conséquence, aucun différend né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle. Entre beaux-frères et belles-sœurs, entre grands parents et petits-enfants, la tolérance et le chahut doivent être le principe.

 

Article 8 : La famille KEITA est désignée famille régnante sur l’empire.

 

Article 9 : L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient en conséquence à tous.

 

Article 10 : Adressons-nous mutuellement les condoléances.

 

Article 11: Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin.

 

Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donner jamais le pouvoir à un fils tant qu’un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des liens.

 

Article 13 : N’offensez jamais les nyaras.

 

Article 14 : N’offensez jamais les femmes, nos mères.

 

Article 15 : Ne portez jamais la main à une femme mariée avant d’avoir fait intervenir sans succès son mari.

 

Article 16: Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements.

 

Article 17: Les mensonges qui ont vécu quarante (40) ans doivent être considérés comme des vérités.

 

Article 18 : Respectons le droit d’aînesse.

 

Article 19 : Tout homme a deux beaux-parents : les parents de la fille que l’on n’a pas eue et la parole qu’on a prononcée sans contrainte aucune. On leur doit respect et considération.

 

Article 20 : Ne maltraitez pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par semaine et faites en sorte qu’ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maître de l’esclave mais non du sac qu’il porte.

 

Article 21 : Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses : du chef, du voisin, du marabout du féticheur, de l’ami et de l’associé.

 

Article 22 : La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur.

 

Article 23: Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur.

 

Article 24 : Ne faites jamais du tort aux étrangers.

 

Article 25 : Le chargé de mission ne risque rien au mandé.

 

Article 26 : Le taureau confié ne doit pas diriger le parc.

 

Article 27 : La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quel que soit le nombre des candidats.

 

Article 28 : Le jeune homme peut se marier à pâtir de vingt (20) ans.

 

Article 29 : La dote est fixée à trois (03) bovins : un pour la fille, deux pour son père et sa mère.

 

Article 30 : Venons en aide à ceux qui en ont besoin.

 

II. Des biens

 

Article 31 : Il y a cinq façon d’acquérir la prospérité : l’achat, la donation, l’échange le travail et la succession. Toute autre forme sans témoignage probant est équivoque.

 

Article 32 : Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété commune qu’au bout de quatre (04) ans.

 

Article 33: La quatrième mise bas d’une génisse est propriété du gardien.

 

Article 34 : Un bovin doit être échangé contre quatre (04) moutons ou quatre (04) chèvres.

 

Article 35 : Un (01) œuf sur quatre (04) est la propriété du gardien de la poule pondeuse.

 

Article 36 : Assouvir sa faim n’est pas du vol si on n’emporte rien dans son sac ou sa poche.

 

III. De la préservation de la nature

 

Article 37 : Fakombé est désigné chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la brousse et ses habitants pour le bonheur de tous.

 

Article 38 : Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres.

 

Article 39 : Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat le canard et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure.

 

IV. Dispositions finales

 

Article 40 : Respectez la parenté, le mariage et le voisinage.

 

Article 41 : Tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas.

 

Article 42 : Dans les grandes assemblées, contentez-vous de vos légitimes représentants et tolérez-vous les uns les autres.

 

Article 43 : Balla Fasséké Kouyaté est désigné grand chef des cérémonies et médiateur principal du Mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus en priorité avec la famille royale.

 

Article 44 : Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun est chargé à veiller à leur application.

 

 



16/02/2009
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