Présidentielle ivoirienne : Le pari du 30 novembre sera-t-il tenu ?

Présidentielle ivoirienne : Le pari du 30 novembre sera-t-il tenu ?

lundi 14 juillet 2008.
 
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Gbagbo, Compaoré et Soro

Les différents acteurs du processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire le jurent tous, la main sur le cœur : les élections se tiendront bel et bien le 30 novembre prochain. La Ve réunion du Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) de l’Accord politique de Ouagadougou (APO),tenue le 10 juillet dernier à Ouagadougou en présence du facilitateur du dialogue direct interivoirien et parrain de l’APO, ne dit pas autre chose : le délais sera respecté.

Au demeurant, les membres du CEA, selon le communiqué final qui a sanctionné leurs travaux, saluent la bonne tenue du calendrier électoral en vue du respect de la date du 30 novembre. Tout serait parfait si on devait en rester là ; car, figure au tableau l’ombre des financements du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), la sécurisation du processus électoral et les questions logistiques. Certes, le gouvernement ivoirien et les différents partenaires ont déjà mis la main à la poche. Mais reste l’épineuse question du financement du processus de sortie de crise ainsi que de bien d’autres opérations, principal objet de préoccupation de la Ve réunion. Et si le facilitateur, Blaise Compaoré himself, insiste sur la nécessité pour les bailleurs de fonds internationaux d’accorder une aide d’urgence pour le financement de la sortie de crise, c’est que le temps presse ; il faut agir au plus vite. Un manque de financement risque de compromettre les acquis enregistrés et surtout la tenue des élections en Côte d’Ivoire. On comprend, dès lors, l’attention particulière accordée aux voies et moyens d’une mobilisation urgente des fonds. On comprend aussi l’insistance des membres du CEA sur la nécessité de favoriser le décaissement rapide des financements des partenaires et d’apporter des contributions complémentaires pour le financement de programmes plus urgents.

Tout laisse croire que cette Ve réunion du CEA a accouché d’une montagne. On peut croire en effet que chacun en est reparti satisfait des résultats, mais surtout plus galvanisé par l’engagement des partenaires financiers à délier les cordons de la bourse. Déjà confrontés à une multiplicité de défis tels, faire face au processus de paix, rembourser sa dette vis-à-vis des institutions financières internationales, le gouvernement ivoirien ainsi que tous les acteurs du processus de paix comptent sur l’appui des organisations internationales. Leur apport financier sera très déterminant dans la levée des entraves pour un véritable retour de la paix en Côte d’Ivoire. Plaise au Ciel qu’elles tiennent leurs engagements, et à temps.

Au terme des travaux, un calendrier plus précis a-t-il été fixé par rapport aux décaissements des fonds ? En tout cas, et comme le souligne le facilitateur Blaise Compaoré, cela participe d’une plus nette visibilité sur l’avenir du processus. On veut bien croire que les tensions de trésorerie ne puissent pas remettre en cause le calendrier électoral. Mais il va sans dire que si, par extraordinaire, le reste du budget n’était pas bouclé à temps, un tel scénario n’offrirait pas de sérieuses garanties de sécurisation des prochaines élections. Les soubresauts de ces dernières semaines, à Vavoua et à Séguela, viennent toujours rappeler que le train de la réconciliation et de la paix n’est pas encore entré en gare et que force doit toujours rester à la vigilance. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, on peut s’interroger sur le sort du train en question, si jamais, pour une raison ou pour une autre, les engagements internationaux n’étaient pas tenus ou ne l’étaient qu’en partie.

Le pari du 30 novembre sera-t-il tenu, quand bien même il est souligné que le financement de l’élection du 30 novembre est bouclé ? Certes, la volonté d’aller à la paix des Ivoiriens, dans l’ensemble, est manifeste et la détermination de tous les acteurs du processus de paix à respecter les délais fixés pour une sortie définitive de crise est affichée. Mais, il faut toujours compter avec les ennemis de la paix qui ne manquent jamais de sortir du bois quand l’occasion se présente. C’est dire donc combien la responsabilité de la communauté internationale est grande. Elle doit aider la Côte d’Ivoire à traverser le gué pour ne pas la laisser à la merci de crocodiles. Un relâchement donnerait encore plus des ailes à tous ceux pour qui seuls les intérêts personnels passent avant tout. Ils trouveraient une fois de plus l’occasion de saboter le processus de paix en cours, tout en rejetant la responsabilité de leurs impairs et travers aux autres.

Pour le Premier ministre, Guillaume Soro, beaucoup plus que pour le président Laurent Gbagbo – il reste de toute façon président de Côte d’Ivoire tant que les électeurs n’ont pas la possibilité de décider autrement - la tenue effective des élections se présente comme un défi. Il y va de la crédibilité de son engagement politique, d’autant qu’il passe pour le maître d’œuvre de la future consultation électorale. On n’aura fait le grand bond en avant que si cette importante étape du processus de paix a été franchie. Et puis, la Côte d’Ivoire est dans une dynamique de relance de sa machine économique, toute chose qui ne sera effective que lorsque la confiance se sera réinstallée.

Cette recherche de financement intervient dans un contexte de vie chère généralisée et de réduction de l’aide publique consacrée au développement du continent. Il est vrai que parce qu’elle revient de loin, la Côte d’Ivoire a besoin d’être soutenue et accompagnée jusqu’au bout. Mais comme d’autres pays du continent, qui comptent toujours trop sur le soutien de l’extérieur pour financer leurs élections, la Côte d’Ivoire mettra sans doute du temps à se départir de ce schéma classique en Afrique. Dans un monde de plus en plus difficile où il paraît moins aisé aujourd’hui pour les bailleurs de fonds de montrer la même sollicitude qu’avant, il n’est pas évident que l’enveloppe allouée à ces dépenses dites pourtant de souveraineté garde le même volume. Et c’est pourquoi l’Afrique devrait s’employer à trouver des mécanismes internes propres à tendre vers une plus grande appropriation de ses élections, pour qu’enfin soit donné un contenu véritable au bien trop beau terme de ... "dépenses de souveraineté"

"Le Pays"




15/07/2008
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