SNC : Deux troupes de théâtre soulèvent quelques griefs

 
La troupe Corneille de Tenkodogo et Arcan de Ouahigouya ne sont pas satisfaites de l’organisation du concours du théâtre lors de la Semaine nationale de la culture. Elles interpellent par cette lettre ouverte le président et les membres du jury théâtre.

Monsieur le président,

Nous venons par cette lettre ouverte porter à votre connaissance nos observations relatives à la compétition en théâtre de la SNC 2008 qui a été marquée par de graves irrégularités qui mériteraient d’être corrigées à temps si nous voulons honorer notre art et œuvrer à sa pérennisation à la SNC.

Monsieur le président, la compétition en théâtre n’a pas obéi aux règles qui conviennent en la matière. En effet, il n’y avait ni équité, ni égalité des chances. Le sort de certaines troupes, notamment celles en provenance de localités autres que Bobo Dioulasso était scellé à l’avance. Nous ne citerons ici que quelques éléments illustratifs de cette réalité :

- Le premier est lié au transport du matériel de décor des troupes en déplacement. En effet, les moyens de transport mis à la disposition des troupes qui devaient arriver des provinces ne leur permettaient pas de transporter à Bobo des décors lourds comme l’on a pu le voir avec les troupes de Bobo Dioulasso. Le bus qui était affecté aux artistes de la région du Centre-Est n’avait pas de porte- bagages. Il fallait "jongler" pour avoir avec soi un minimum de matériel de scène. A ce niveau les troupes de Bobo ont bénéficié de l’avantage de jouer à domicile. C’est

peut-être normal. Nous savons qu’en matière de théâtre, l’on n’a pas toujours besoin de plusieurs tonnes de matériel pour faire un décor de qualité mais disposer de la possibilité de transporter tout le matériel dont on a besoin est tout de même légitime.

- Le second est relatif aux conditions d’hébergement, de restauration et de transport interne. Nous avons été hébergés dans des écoles sans un minimum de conditions d’hygiène et les restaurants montés sur place à l’air libre, exposaient les repas à la poussière de l’harmattan. Les déplacements des artistes en direction des lieux des différentes manifestations n’étaient pas toujours assurés. Certains n’ont bénéficié du transport interne que le jour de leur prestation et à la clôture de la semaine. Il y avait là de quoi saper le moral des troupes venues d’autres régions.

- Le troisième concerne la gestion de la régie son et lumière. Ce volet a été la grande plaie de l’organisation de la compétition en théâtre. Les troupes en déplacement qui ont pris contact avec les techniciens de CCF-Henri Matisse pour la gestion de leur plan de lumière se sont entendu répondre que le jury avait imposé le plein feu pour toutes les troupes et qu’il n’était pas possible de prendre en compte les plans de lumière des différentes troupes. Si les choses s’étaient effectivement passées de la sorte, nous aurions simplement déploré que ce fait appauvrisse nos spectacles mais rien de plus puisque cela n’enfreignait pas aux règles d’équité de la compétition. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées dans ce sens. Il nous a fallu attendre les troisième et quatrième jours, avec la sortie des troupes de Bobo Dioulasso, pour nous rendre compte que les lumières étaient réglées spécifiquement pour leurs prestations. Les gélatines de couleur que nous avions souhaitées et qui n’étaient pas disponibles se sont trouvées comme par enchantement là et réglées en conséquence pour ces deux troupes locales. Contrairement aux spectacles de province qui ont été émaillés de nombreuses défaillances en éclairage, obligeant par moment les acteurs à jouer dans le noir, aucune erreur de gestion des lumières n’a été observée. Sur ce point, les règles de la compétition ont été totalement bafouées. Etaient-ce des insuffisances organisationnelles ou une volonté délibérée de "sabotage" pour donner plus de chance à certains concurrents ? Nous aimerions bien le savoir.

- Le quatrième enfin, concerne le temps d’exploration de la scène du théâtre Icare du CCF-Henri Matisse de Bobo. Alors que les troupes de Bobo Dioulasso avaient pu disposer de la scène du CCF-HM pour leur préparation à la compétition, celles venant des autres localités n’ont eu qu’au maximum deux heures de temps pour découvrir l’espace de jeu et cela sans l’assistance de la technique et sans possibilité de travailler sur les lumières. Ce contact avec la salle était presque inutile puisqu’il ne permettait pas d’opérer quelque réglage que ce soit. Il s’agissait, pour ceux qui venaient d’ailleurs, de se contenter d’observer les dimensions de la salle ou de l’espace de jeu.

Voilà, messieurs le président et membres du jury les conditions dans lesquelles les troupes venues à Bobo se sont produites. Si cela ne les a pas empêchés de jouer, il convient de reconnaître que ces irrégularités ne leur ont pas permis de s’exprimer pleinement. Pourtant, elles se sont données à fond et ont produit des spectacles de qualité. Et comme la lumière n’est pas le seul critère d’appréciation, bien qu’elle joue un rôle non négligeable, les résultats auxquels vous êtes parvenus ont surpris à plus d’un titre et nous ont laissé ces interrogations auxquelles nous souhaitons des réponses de votre part :

- Les critères de notation ont-ils changé entre les phases éliminatoires et la phase finale ? Pourrons-nous disposer, comme cela a été le cas aux phases éliminatoires, des observations du jury pour savoir ce qui nous a été reproché ? Nous pensons qu’il est important pour chacun de connaître les éléments qui ont justifié la note qui lui a été attribuée.

- La langue de spectacle imposée par le règlement, qui était le français, a-t-elle été changée ? Comment comprendre que des spectacles qui ont bafoué la langue et massacré la diction se retrouvent parmi les trois premiers ?

- Comment peut-on juger (avec objectivité) un spectacle au cours duquel l’on a dormi les 3/4 du temps de jeu ? Nous avons constaté que certains membres du Jury- la grande majorité – se sont assoupis pendant certains spectacles. Des spectacles qui ont pourtant été classés parmi les meilleurs.

- Est-il permis qu’un même comédien joue dans deux troupes différentes inscrites à la compétition ? Quelles dispositions étaient prises pour gérer une telle situation qui, vraisemblablement, n’a pas posé problème aux membres du jury ?

Nous espérons que notre interpellation aidera à œuvrer à une meilleure organisation du volet théâtre pour lui permettre d’occuper la place qui est la sienne et lui garantir une pérennité à la Semaine nationale de la culture. Ce serait vraiment dommage qu’après une longue traversée du désert et son retour salué au sein de la biennale des arts, notre art soit victime de considérations subjectives. Notre ministre de la culture a dit : "critiquez-nous et faites-nous des propositions". Nous proposons qu’il soit envisagé une rencontre avec les responsables des troupes en compétition avant et après chaque édition pour, dans un premier temps, accorder les violons et ensuite tirer les leçons qui s’imposent. C’est seulement à ce prix que nous rendrons service au théâtre, à la culture et à la SNC.

Dans l’espoir que notre lettre ouverte sera perçue comme une juste contribution à une meilleure organisation de la compétition en théâtre, nous vous prions de recevoir, monsieur le président, nos artistiques salutations.

Pour la Troupe Corneille Pour la Troupe ARCAN

Hamadou MANDE

Alexis OUEDRAOGO



19/04/2008
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