200 ans, et toujours courtisé
Baccalauréat
200 ans, et toujours courtisé
Depuis le 20 juin 2008, 36 017 candidats affrontent les épreuves du Baccalauréat dans différentes séries à travers le territoire national. Certains, pour beurrer leur pain parce que déjà dans la vie active, d’autres, pour se frayer une place au soleil ou pour satisfaire leur propre ego.
La détermination des candidats témoigne si besoin en est encore de l’importance de ce premier diplôme universitaire qui fête cette année ces deux cents ans. Tous les acteurs du système sont mobilisés, et on ne signale pour le moment aucun incident majeur.
"Ma première épreuve avec le BAC date de 1995, et je n’ai jamais perdu espoir d’obtenir un jour ce diplôme. De mon primaire à ma 3e, j’ai toujours été le premier de ma classe. J’ai fait le second cycle au lycée Philippe-Zinda-Kaboré où j’ai échoué à mon BAC série D en 1995. L’échec m’a d’autant plus éprouvé que je connaissais des problèmes de frais de scolarité. Ce qui m’a fait faire un petit tour en Côte d’Ivoire avant de revenir. J’exerce actuellement dans le commerce, mais je tiens à avoir absolument le Bac. J’ai entre-temps changé de série pour la A4 et aussi longtemps que je vivrai je ne cesserai de prendre part à cet examen jusqu’à ce que je brandisse ce parchemin. Et je le montrerai à bien de mes amis qui l’ont acquis depuis longtemps. Après, je réfléchirai à ce que j’en ferai. Pour le moment, c’est une question de fierté".
Ceci est le témoignage d’un persévérant, Ablassé Guiguemdé, qui montre que le premier diplôme universitaire est d’une importance capitale dans notre système éducatif. Dans un pays à majorité analphabète, son obtention vous donne droit à l’étiquette tant enviée ..... de « karambibedré ». C’est-à-dire en langue nationale mooré, un grand élève. Les 36 017 candidats de la présente session veulent donc faire partie des privilégiés que sont ces grands élèves ; même si de nos jours, le mythe de l’étudiant promu à un bel avenir s’effrite inexorablement à cause des problèmes qu’il vit : il n’est un secret pour personne qu’aujourd’hui, l’étudiant tire le diable par la queue.
L’obtention des tickets pour le repas universitaire relève d’un parcours du combattant. Révolue donc l’époque où ce dernier avait le choix entre manger dans un restaurant de la ville ou à l’université. Adieu aussi la période où la possession de la moto était évidente. Aujourd’hui, c’est le VTT qui fait la loi. La plupart n’ont pas de bourse. Pour ceux qui en ont, elle est insuffisante, sans compter le manque d’infrastructures comme les amphithéâtres, et nous en passons. Qu’à cela ne tienne, le Bac garde son prestige et sa crédibilité du fait du sérieux qui entoure son organisation dans notre pays.
Le 20 juin 2008, date du début des épreuves, la mobilisation était générale : surveillants, correcteurs, sécurité, autorités universitaires et du ministère de tutelle… Bref, tous étaient sur le terrain pour le bon déroulement de la session. C’est au lycée Marien- N’Gouabi que le ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, Joseph Paré, entouré du ministre délégué chargé de l’enseignement technique et de la formation profetionnelle, Maxime Somé, et du président de l’université Jean Coulidiati, a donné, à 7h 30 mn précises, le top de départ de la session en ouvrant l’enveloppe du premier sujet des séries A3, A4 et A5, notamment la philosophie.
"La religion est-elle source de cohésion ?", "L’imagination nous détourne-t-elle de l’action" ? tels étaient les intitulés des deux premiers sujets au choix. Le 3e est un commentaire portant sur un texte de Sigmund Freud, tiré de "Malaise dans la civilisation". Après cet établissement, les autorités se sont rendues au collègue Notre-Dame de Kologh Naba, ensuite au collège Protestant et enfin, au lycée Newton pour prendre le pouls de l’organisation.
Le ministre Joseph Paré s’est félicité du bon déroulement de la session avant d’inviter tous les acteurs à maintenir le cap. Comme pour rassurer, il a souligné que toutes les dispositions sécuritaires sont prises pour le bon déroulement de la session. En effet, le début de la session intervient après un affrontement entre les forces de l’ordre et les étudiants sur le campus de Zogona. On constatera qu’elle se déroule sous haute surveillance policière.
Côté épreuve, les candidats rencontrés trouvent les premiers sujets abordables tout en souhaitant qu’il en soit ainsi pour ceux qui suivront. A l’image du candidat Steven Bonkian, élève au Prytanée militaire du Kadiogo (PMK) qui semblait bien chanceux : "J’ai trouvé les sujets de philosophie plus ou moins abordables parce que nous avons eu à les aborder durant l’année scolaire", nous a-t-il confié.
Un sujet qui semble avoir inspiré une candidate qui a requis l’anonymat, mais qui a bien accepté de développer les idées forces de son argumentaire à la sortie de la salle de compositions : "La religion nous enseigne les valeurs comme l’amour et le pardon. Malheureusement, elle est à l’origine de nombreuses crises dans le monde. Elle doit nous aider à mieux vivre et non à nous en endormir la conscience, elle ne doit pas être l’opium du peuple comme nous dit Karl Marx ». Les professeurs apprécieront.
Issa K. Barry Abdou Karim Sawadogo
L’Observateur Paalga du 23 juin 2008