A propos du 4 Août
L'histoire, ce sont les symboles d'abord et ensuite les acteurs et accessoirement les faits. En retournant à Pô, pour commémorer la " renaissance démocratique ", les frères Compaoré, les seuls survivants d'une épopée d'une vingtaine d'années, ont voulu d'abord faire dans le symbole. Celui de la ville de Pô, " bastion incandescent de la révolution " où tout est parti un certain mois de mai 1983, quand la crise au sein du pouvoir militaire d'alors, le Conseil du Salut du peuple (CSP), avait conduit la fraction conservatrice des militaires à écarter la composante révolutionnaire.
Tout commence en ce moment, avec les marches et contre marches à Ouagadougou sous l'égide du PAI et de l'ULC (R) qui déversent par millier des jeunes, des femmes et des anciens dans les rues de Ouagadougou. Les frères Compaoré résument cette période insurrectionnelle à la seule escapade de Blaise Compaoré qui aurait réussi à déjouer la vigilance des gendarmes pour rejoindre sa base à Pô. Et voilà du reste comment Blaise Compaoré lui-même réagit à la question : " le 17 mai 83, c'est l'arrestation de Thomas Sankara, ce n'est pas à nous d'en parler ". Dans cette affaire donc, chacun parle pour lui-même et c'est justement pourquoi, les invités à Pô, ce 18 octobre 2007, ont été bien triés, le public des jeunes, mais aussi les intervenants. Ainsi donc, apprend-t-on de la bouche, jusque-là cousue, du colonel major Gilbert Diendéré, qu'en réalité, les choses n'ont pas commencé le 17 mai 1983. Mais deux (02) mois auparavant, avec le projet d'arrêter Blaise Compaoré. Ce dernier informé se fit représenter par le même Gilbert Diéndéré qui s'entendra dire que " la réunion était reportée parce que Blaise n'était pas là.. ". En vérité donc, c'est faute d'avoir mis la main sur Blaise Compaoré ce 15 mai 1983, que le président Ouédraogo et ses affidés se sont contentés, deux jours après, des seconds couteaux : Sankara, Henri Zongo, Lingani et autres. En réalité donc, le 17 mai était juste une opération de substitution par défaut. Pourquoi n'a-t-il pas obtempéré à l'ordre de Sankara, de ne plus finalement descendre sur Ouagadougou, parce que lui et Jean Baptiste Ouédraogo avaient trouvé un terrain d'entente ? Voici la réponse de Blaise Compaoré en deux temps : " il y avait à peu près 350 commandos partis de Pô dans 50 camions ; alors vous comprenez que lorsque nous étions au lieu dit Namentenga, et que ces commandos avec des yeux rougis, ont aperçu la lumière de Ouaga et qu'ils se disaient que peut-être c'est là où la vie de certains allait s'arrêter, on ne pouvait plus rien faire, la machine était lancée…. " Dan un deuxième temps, Blaise explique qu'en juin 1983, il y a eu une première rencontre de réconciliation, à laquelle, eux sont partis de bonne foi. Mais ils ont vu circuler après une missive qui disait qu'il fallait neutraliser les révolutionnaires, parce que tant qu'ils n'auront pas atteint leur but, ils ne s'arrêteront pas. De l'avis de Blaise Compaoré, on ne pouvait donc faire foi aux arrangements obtenus avec l'aile réactionnaire du CSP. En vérité, cette version des faits est contredite par une autre qui se fait de plus en plus persistante et qui stipule ce qui suit. En vérité, disent les tenants de cette thèse, l'envoyé de Sankara n'a pas pu parvenir jusqu'à Blaise. Il a rencontré l'avant-garde des commandos, conduit par Vincent Sigué. Celui-ci qui a pris connaissance du message ne l'a pas transmis effectivement à Blaise Compaoré. Il aurait décidé que c'était trop tard et on ne pouvait plus reculer. Selon cette version donc, Blaise n'a rien eu à décider, puisque le message n'a pas pu lui parvenir. Ensuite sur le nombre de camions qui transportaient les commandos, 50 paraient exagérés, pour seulement 350 commandos environ, ce qui donnait une répartition de sept (07) soldats par camions.
Et puis chacun de conter son propre fait d'arme. Le colonel major d'abord qui explique comment, convoqué au petit matin au camp Guillaume Ouédraogo, il a soutenu ouvertement les commandos de la garde rapprochée de Sankara qui s'opposaient à l'arrestation de leur patron. Voilà le langage qu'il tint ce jour-là : " Je prends fait et cause pour eux et je reste avec eux, advienne que pourra ". Les promotionnaires du service national de Gilbert Diendéré ne lui reconnaissent pas un tel courage. Ils content, pour le railler, cette affaire d'âne pendant le service militaire. Alors qu'ils étaient en faction, un âne sort soudainement d'un fourré, le sous-lieutenant qu'il était prend si peur qu'il refuse d'avancer, envoyant les subalternes constater. Pour ses promotionnaires, Gilbert Diendéré n'est pas l'exemple de courage. C'est ce qu'avait remarqué du reste l'adjudant Hyacinthe Kafando, qui lui a fait toutes les misères du monde possibles. La nouveauté, c'est le rôle éminemment pacifique, jusque-là inconnu, de François Compaoré dans les événements qui ont conduit au 4 Août
Newton Ahmed Barry
L’Evénement du 25 mars 2008