Besoin vital pour la santé et le bien être, l’eau potable reste encore inaccessible à des millions d’Africains, condamnés à consommer l’eau insalubre avec les conséquences sanitaires, parfois mortelles, que cette consommation implique. Selon le rapport conjoint 2006-2007 du Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque africaine de développement (BAD), très peu de pays africains, particulièrement ceux situés au sud du Sahara, atteindront cet OMD, c’est à dire offrir à 78% de la population l’accès à l’eau potable et à 69% un système d’assainissement de qualité. « L’Afrique subsaharienne est la région du monde la moins bien lotie en ce qui concerne la desserte d’eau potable et d’assainissement : plus de 322 millions d’habitants sont dépourvus d’accès à des ressources d’eau potable, et 463 millions à des systèmes d’assainissement améliorés ».
Certes, depuis près de deux décennies, des efforts consentis par les gouvernements ont permis à 10 millions de personnes par an d’accéder à l’eau potable, mais ces effets ont été hélas, annihilés par la forte poussée démographique et pour atteindre cet OMD d’ici 2015, il faudrait tripler le nombre de personnes ayant accès à l’eau potable. Pour l’assainissement, la situation est encore catastrophique en raison des restrictions budgétaires et aux plans d’ajustement structurel adoptés par les états africains dès le début des années quatre-vingt-dix. Pour atteindre cet OMD, l’Afrique noire devra assurer chaque année l’accès à une source d’assainissement de 35 millions d’habitants contre une moyenne actuelle de 7 millions.
On est très loin du compte. En Afrique du nord, la situation est en revanche sensiblement meilleure et certains pays comme l’Egypte et la Tunisie pourraient bien atteindre cet OMD. Dans cette région, 78% de la population y a accès à l’eau potable contre 45% en Afrique subsaharienne et 71% des habitants bénéficient d’installations sanitaires contre 32%. Maurice, le Malawi et la Namibie pourraient également atteindre cet OMD, et huit pays (Botswana, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Burundi, Ghana, Cameroun, Sénégal, Togo) sont en bonne voie si les gouvernements maintiennent et renforcent leurs politiques dans le secteur.
D’après la FAO, le continent dispose pourtant suffisamment de ressources hydrologiques mais qui sont très peu rationnellement exploitées. « Dans de nombreux pays, la gestion défaillante des entreprises, les équipements en mauvais états et les gaspillages font perdre plus de la moitié de l’eau fournie », relèvent les auteurs du rapport. Ils citent aussi l’Afrique du Sud, Maurice, l’Ouganda et la Tanzanie, quatre pays qui affichent de bons résultats dans la gestion de l’eau. Dans les deux premiers pays, l’accès universel à l’eau est pratiquement réalisé et en Ouganda le pourcentage d’habitants ayant accès à l’eau est passé 12 à 61 entre 1990 et 2006 ; en Tanzanie, 90% de la population a accès à une source d’assainissement.
Ces exemples de bonne gestion montrent que le combat pour l’accès à l’eau potable et l’assainissement peut être gagné si l’on engage courageusement des réformes appropriées. Cela consiste notamment à laisser aux compagnies le soin de percevoir directement les redevances payées par les usagers, à affecter les recettes fiscales au financement des prestations de services, à quoi doit s’ajouter un soutien plus important des bailleurs de fonds non étatiques.
Très coûteux, les financements doivent être surtout orientés dans le traitement des eaux usées et la BAD estime que « pour garantir la préservation durable des ressources hydrauliques, l’Afrique doit investir près de 20 milliards de dollars par an jusqu’en 2025, dont un tiers pour l’assainissement et 5 milliards pour l’eau potable et 1 milliard pour les stratégies », c’est à dire la généralisation des campagnes d’information et de sensibilisation et le financement de la recherche.
Une chose est sûre, l’accès à l’eau et à l’assainissement nécessitant de coûteux investissements, le salut ne peut venir du secteur privé. Pour preuve, en Ouganda, la facturation des services aux usagers comme unique source de financement s’est révélée insuffisante pour couvrir la totalité des coûts, contraignant l’état à revoir à la hausse le budget destiné aux investissements.
Joachim Vokouma
Lefaso.net