Annulation d’un mariage en France : Un hymen qui fait du bruit

Annulation d’un mariage en France : Un hymen qui fait du bruit

lundi 2 juin 2008.
 
Monsieur, un musulman, précisons-le tout de suite, car cela a son importance, s’attendait à forcer un peu le passage, à déflorer ce petit bout de chair or voilà que sans le moindre effort, il pénètre dans un trou déjà béant, quand l’heure fut venue d’allumer le flambeau de l’hymen. Madame avait pourtant juré ciel et terre que sa forêt noire était toujours vierge.

Tout commence le 8 juillet 2006 quand, le soir des noces, le mari découvrit que sa promise n’était pas chaste contrairement à ce qu’elle avait prétendu. Il annonça alors la "mauvaise" nouvelle à ses proches dès potron- minet. Son père ramena alors illico presto chez ses parents celle qu’il disait avoir déshonoré sa famille. Et dès le 26 juillet 2006, le dupé assignait son éphémère épouse en justice. Voici donc monsieur, un ingénieur d’une trentaine d’années, entamant une procédure de "nullité relative" pour annuler le mariage, laquelle annulation fut prononcée en avril 2008 par le tribunal de grande instance de Lille en application de l’article 180 du Code civil hexagonal, qui permet à un époux de demander l’annulation des épousailles "s’il y a erreur sur la personnalité de son conjoint".

Une première en France, cette France des droits de l’homme et du citoyen ; cette France de l’Egalité entre les sexes ; cette France de Simone de Beauvoir ; cette France de Fadela Amara et de "Ni putes ni soumises". Il ne fallait donc pas plus pour que cet événement historique suscite un tollé général et une indignation largement partagée, certains même voulant que la Beure Rachida Dati, garde des Sceaux, quitte à être prise en flagrant délit de violation de la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs, s’immisce dans le cours de la Justice. "C’est une vraie fatwa contre l’émancipation et la liberté des femmes", s’étrangle la secrétaire d’Etat à la politique de la ville. "C’est une honte", reprend Elisabeth Badinter tandis que l’UMP Jacques Myard parle "d’intégrisme archaïque".

Des cris d’orfraie aux relents parfois racistes et anti-musulmans, l’air de dire : "Ces gens avec leurs mœurs barbares" ou plutôt leurs "Noces barbares" pour reprendre le titre d’une œuvre de Yann Queffélec, alors même que l’islam, du moment qu’il permet à ses adeptes d’épouser des divorcées déjà mères, n’exige absolument pas que l’épouse soit vierge. Mais que de bruit pour un hymen ! Que de jugements moraux et d’a-priori confessionnels ! Que de postures civilisationnelles (de telles "barbaries" ne sauraient en effet toujours exister en 2008 de surcroît dans cet Occident chrétien) dans un problème qui est avant et après tout judiciaire.

Car le problème, en réalité, n’est pas tant le défaut de virginité de la belle (d’autant que le pénis n’ayant pas de compteur, il est difficile d’instaurer un principe de réciprocité en contrôlant son kilométrage) que le fait pour elle de n’avoir pas joué franc-jeu avec qui elle voulait se lier pour le meilleur et pour le pire. En droit commun, cela pourrait s’appeler "abus de confiance", car, comme le marketeur qui peut vous vendre un emballage attrayant sans que le contenu ne soit particulièrement ragoûtant, l’époux marri qui a, selon son avocat, conclu l’union "sous l’empire d’une erreur objective", a, quelque part, été abusé sur la qualité, substantielle ou pas, de sa fiancée. Que ce malheureux fait divers soit d’un autre âge et pourrait, il est vrai, faire jurisprudence, n’enlève rien à cela.

Les vertus outragées qui ont l’indignation si facile et si sélective pensent-ils vraiment qu’une union, sacrée comme l’est le mariage, peut se bâtir sur du mensonge ? Pensent-ils véritablement que le foyer serait viable, vivable et chaleureux avec, si on peut dire, ce péché originel ? C’est sûr, au 21e siècle, on ne saurait se réfugier derrière des "valeurs" culturelles ou cultuelles pour soutenir ou encourager de telles pratiques moyenâgeuses, mais ne dit-on pas que même si la loi est dure, c’est la loi ?

De ce fait, il faut user de toutes les voies de recours possibles pour "mettre un terme à une situation très dérangeante pour la collectivité nationale", selon la Majorité française, en attendant, qui sait, d’abroger au besoin cette disposition légale. Mais bon sang, pourquoi diable madame, qui savait que sa menterie serait découverte, n’est-elle pas allée avant le jour fatidique, se faire reconstituer, comme beaucoup de ses sœurs, cette précieuse membrane qui ferme plus ou moins complètement l’entrée du vagin chez la femme immaculée ! Dans ce cas de figure, elle aurait aussi, d’une certaine façon, abusé l’amateur de "crudités", mais au moins les apparences auraient été sauves.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur



04/06/2008
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