"Beaucoup de chefs coutumiers et religieux sont pieds et poings liés au pouvoir"
François de Salle Bado, Président en fin de mandat de
"Beaucoup de chefs coutumiers et religieux sont pieds et poings liés au pouvoir"
Il n'est certainement plus à présenter dans les sphères de la société civile burkinabè. Membre de
"Le Pays" : Au terme de votre mandat à la tête de
François de Salle Bado : A l'occasion de la commémoration de
Il faut reconnaître qu'en terme de bilan, nous pouvons dire, dans un premier temps qu'étant donné que c'est une institution qui venait de naître, il fallait surtout travailler à l'installer dans le paysage institutionnel et à la faire fonctionner. Nous avons également réussi à former les membres de
Quels sont vos rapports avec le MBDHP quand on sait que l'opinion disait que
Il est vrai qu'effectivement pour l'opinion, compte tenu de la force de frappe du MBDHP,
Les personnalités de ce mouvement ont animé des sessions de formation au profit des membres de
Quel est l'état des lieux des droits de l'homme au Burkina ?
Quand on examine la situation des droits de l'homme, il y a des points de satisfaction et d'insatisfaction. Les droits de l'homme sont indivisibles. Généralement dans les pays, la plupart des pouvoirs accordent la première génération des droits de l'homme, à savoir les droits civils e t politiques. Malheureusement, en ce qui concerne la 2e génération tels que les droits à la santé, au logement, au travail,... qui, pour notre part, ont une grande importance dans nos pays, peu d'importance leur est accordée. Pour ne pas être pessimiste, on dira qu'il y a toujours des efforts à faire. En tant qu'acteurs et défenseurs des droits de l'homme, nous ne pouvons pas nous satisfaire entièrement d'une situation dans un pays donné, parce que c'est un combat permanent.
Est-ce qu'il y a eu sur le terrain des droits humains, un dossier qui vous a préoccupé ?
Notre rôle est de conseiller les pouvoirs publics, de faire des recommandations par rapport aux situations de violations des droits de l'homme. Par rapport à un certain nombre de questions, nous avons fait des interpellations aux pouvoirs publics et généralement, cela se passe à l'occasion de la commémoration de la déclaration universelle des droits de l'homme chaque 10 décembre. Il y a entre autres la situation de l'exclusion sociale des femmes du fait de la sorcellerie. Ce n'est pas normal qu'on voie cela au Burkina. Il y a également le dossier Norbert Zongo, surtout après le non-lieu. On peut évoquer la situation de la famine en 2005 et nous avions constaté qu'il y avait comme une sorte de politisation de la famine. Pendant que certaines populations souffraient atrocement de cette famine, on voyait des hommes politiques qui à coup de médiatisation mobilisaient des personnes pauvres, démunies avec des calebasses, des ustensiles pour recevoir des grains de mil. Pour nous, c'est intolérable, parce qu'on ne peut pas utiliser la misère des gens pour faire de la politique. Nous avons même constaté que certaines personnalités allaient prendre des vivres à l'Action sociale et remettaient à leur population en faisant savoir que cela venait d'elles. Il y a la lutte contre le grand banditisme, avec des bavures policières, des exécutions extrajudiciaires qui sont des violations des droits humains. Ce sont brièvement des points saillants mais au-delà, il y a eu beaucoup de consultations.
Quelle a été la plus grosse difficulté que vous avez rencontrée dans l'accomplissement de votre mission ?
Le frein était que beaucoup d'acteurs considéraient cette structure comme un instrument de l'Etat pour combattre, pour déstabiliser les autres organisations de la société civile. C'était une perception que nous avons travaillé à faire changer. A travers nos relations avec ces organisations aujourd'hui, nous pensons avoir réussi...
Au-delà de cet aspect, il y a le fait que certains considèrent qu'il n'est pas évident de pouvoir dire un certain nombre de vérités à celui qui vous a créé...
Aucunement cela n'a joué. Si vous voyez la manière dont
Comme obstacle majeur à notre mission, je dirai que ce sont surtout les moyens qui nous ont fait défaut. Je veux parler de moyens aussi bien matériels, financiers qu'humains. Nous attendions beaucoup de la part de l'Etat qui a mis en place cette commission, mais nous n'avons pas eu ce que nous voulions pour travailler. Il y a également qu'il faut véritablement revoir l'organisation de
Quelle est votre réaction par rapport aux manifestations contre la vie chère qui font dire que ça ne va pas au Burkina ?
Il faut reconnaître que la vie a toujours été chère au Burkina. Avec une certaine situation au niveau international qui a une influence forte sur nos Etats, cette vie est devenue encore plus chère. A la suite des différentes manifestations contre la vie chère, les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures qui devraient avoir un impact sur le coût de la vie mais apparemment, les choses ne sont pas encore concrètes. S'agissant du silence des institutions comme la nôtre, il ne faudrait pas s'attendre chaque jour à la moindre chose à ce que ces institutions fassent des déclarations. Ces institutions ont toujours parlé mais souvent le silence est beaucoup plus éloquent que la parole. Lorsqu'il y a des situations, chacun se précipite pour être le premier à faire une déclaration, pour qu'on sache qu'il existe sans prendre le temps de réfléchir souvent. Dans le contenu des déclarations, il y a des choses que nous approuvons mais en tant que défenseurs des droits de l'homme, il y en a qui choquent. En ce qui concerne les casses pendant les manifestations contre la vie chère, beaucoup d'organisations ont déploré sans approuver les sanctions prises contre les manifestants. En tant que défenseur des droits de l'homme, combattant contre l'impunité, je ne peux pas admettre cela. Pour exiger des pouvoirs publics qu'ils soient punis à la hauteur des actes qu'ils posent, il faut qu'on soit conséquent envers nous-mêmes. C'est une façon d'éduquer la population et de responsabiliser chacun. Ce n'est pas le Burkina seul qui souffre de cette vie chère et aussi longtemps que le coût du baril continuera d'augmenter, nous allons souffrir. La situation est préoccupante au niveau politique, économique, social mais des propositions ont été faites et il s'agit de procéder à la mise en oeuvre pour que la vie soit acceptable pour l'ensemble des populations.
Comment avez-vous apprécié la démarche du gouvernement de rencontrer les différentes couches sociales ?
Nous avons effectivement observé au cours de ces manifestations, le déploiement du gouvernement vers un certain nombre d'institutions, notamment les confessions religieuses, les chefs traditionnels, etc. Pour notre part, c'est une bonne chose, si l'intention du gouvernement était de porter l'information des mesures prises par l'Etat en vue d'atténuer la situation difficile que connaît le pays. Il faut reconnaître que la forte médiatisation qui a eu lieu autour de cela et également la perception que beaucoup de citoyens ont des chefs traditionnels et des confessions religieuses, permettent d'être un peu réservé. Depuis longtemps, on a demandé aux chefs traditionnels de se réserver de s'impliquer dans la politique. Cela n'a pas été fait ; jusqu'à l'heure actuelle beaucoup de chefs, de responsables coutumiers et religieux sont pieds et poings liés au pouvoir. A telle enseigne que lorsque des situations pareilles se présentent et que le gouvernement se déplace pour rencontrer ces mêmes personnalités, il y a un fait difficile pour les citoyens à l'égard de cela. On dit que ce sont les mêmes gens ; puisqu'ils sont engagés dans la politique ; il aurait été intéressant justement, pour qu'il y ait une crédibilité, que ces responsables puissent éviter de se mêler ouvertement dans la politique, de manière à rester effectivement des institutions de conseils, des institutions consultatives à la disposition des pouvoirs publics. De cette façon, la démarche devrait être sous-terraine pour la consultation.
De plus en plus d'acteurs demandent une refondation de la société burkinabè. Qu'en pensez-vous ? La société burkinabè mérite-t-elle vraiment une refondation ?
Effectivement, je suis au courant de cette philosophie et cette vision des choses qui se développent ; j'ai particulièrement entendu cela avec l'UNDD et au niveau du PAREN également. Je pense que c'est une bonne chose. A travers la démarche et ce qu'ils développent par cette refondation, c'est important. Je crois que le Burkina est arrivé à un certain moment où, face à un certain nombre de situations que les gens considèrent comme pas bien, il serait important que l'on s'arrête, que l'on convoque une rencontre pour permettre à chacun de développer ses propositions, sa vision, de manière à pouvoir répartir sur de bonnes bases. Cela ne coûte absolument rien. Le pouvoir en place, au regard de tous ces appels qui proviennent des différents acteurs de la société, doit être attentif. C'est vrai, nous avons un régime qui est en place depuis 20 ans, il y a un certain nombre de maux que l'on condamne depuis longtemps et qui reviennent régulièrement. Il s'agit notamment des questions d'injustice, de corruption, d'impunité, etc. Il est donc important que le pouvoir soit attentif à tous ces appels. Il faut écouter les propositions des uns et des autres pour améliorer la gestion du pays. Je ne trouve aucun inconvenient à cela. Il ne faut pas tout simplement dire que le pouvoir a été élu sur la base d'un programme, donc..., au mépris des autres appels. Et, aussi longtemps que le terme refondation, tout comme les autres termes analogues, vont dans le sens de l'intérêt général, je suis partant. Personnellement, quand je lis les propositions, il y en a de bonnes qu'il faut prendre en compte.
Si, à titre exceptionnel on vous demandait de rester à la tête de la commission, l'accepteriez-vous ?
Le mandat de membre de
Il faut laisser les choses se mettre en place et d'autres personnes venir taire leur expérience.
Propos recueillis par Antoine BATTIONO et Ladji BAMA
Le Pays du 18 avril 2008