Cartes de séjour en Afrique : La Guinée Bissau aussi

Cartes de séjour en Afrique : La Guinée Bissau aussi

lundi 19 mai 2008.
 
Les pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont tous signataires du Protocole sur la libre circulation des personnes et le droit de résidence et d’établissement de la CEDEAO. Cette disposition communautaire n’est toutefois pas observée de la même façon dans ces pays. Chaque Etat s’estime par conséquent libre de l’imposer ou pas aux étrangers qu’il admet sur son sol. On dira, de cela, que chaque pays est souverain.

Pour leur part, les étrangers, notamment les ressortissants de la CEDEAO résidant en Guinée-Bissau, sont soumis au paiement de la carte de séjour. Pourquoi, en fait, une carte de séjour ? En plus du fait qu’elle donne droit à tout ressortissant étranger en sa possession de résider, pour une période donnée, dans un Etat donné, la carte de séjour permet de renseigner sur les flux migratoires dans ce pays. Elle participe parfois à des besoins de sécurité intérieure. Pour autant, est-il possible pour les pays qui ont en fait leur option, de se passer de la carte de séjour ? A priori oui, et la Côte d’Ivoire, membre de la CEDEAO et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), vient d’en administrer la preuve. Quoi qu’on puisse dire sur les dividendes politiques de sa décision, le président ivoirien, Laurent Ggabgo, vient de permettre aux étrangers en Côte d’Ivoire de s’adresser directement à la représentation en Côte d’Ivoire, pour se faire établir des documents administratifs d’identification. Adieu la carte de séjour !

Certes, on peut concéder que tous les étrangers nouvellement admis dans un pays n’ont pas tous acquis ce réflexe de se présenter à leur ambassade pour se faire recenser. Mais, à l’inverse, on peut affirmer que ce n’est pas tout le monde qui manifeste l’intention de se conformer aux règles de leur pays d’accueil, en se munissant d’une carte de séjour. Certains préfèrent vivre dans la pure clandestinité. D’autres ne voient pas l’utilité de cette carte, estimant que la détention de cette pièce d’identification ne devrait pas s’appliquer à eux, ressortissants d’un même espace communautaire. Faut-il leur donner tort ? Pas totalement, d’autant que l’établissement de la carte de séjour répond parfois à des objectifs mercantiles ? Dans certains Etats en effet, l’instauration de cette carte procède bien plus d’une volonté de renflouer les caisses de l’Etat que de s’offrir une base de données sur une communauté étrangère bien précise.

Ce type de renseignements peut-il manquer à son ambassade si la communauté en question est bien organisée et travaille en étroite collaboration avec celle-ci ?

A l’époque, l’établissement de la carte de séjour en Côte d’Ivoire devait répondre à un besoin ponctuel : renflouer les caisses d’un Etat ivoirien en plein tourment économique. Puis, les abus se sont multipliés. Au fil des ans, ce papier s’est révélé être source de tracasseries, d’escroquerie, d’humiliation et de racket (sur fond de xénophobie) par des policiers, gendarmes, etc., qui, plus qu’un gagne-pain quotidien, en avaient fait… une poule aux oeufs d’or. Mais la Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays d’Afrique où la carte de séjour donne très souvent lieu à des débordements et pressions de toutes sortes. Gabon, Cameroun, Libye, etc., on peut imaginer que tous les étrangers qui y résident auraient préféré brandir une simple carte d’identité que de s’arranger à trouver chaque année une carte de séjour.

Et dire que tout cela se passe en terre africaine et, qui pis est, parfois dans des Etats d’un même espace communautaire ! Tout se passe comme si certains pays africains voulaient s’approprier des contre-valeurs de l’Occident, tels l’individualisme, le repli sur soi, la peur de l’étranger, dans un monde que tout tend pourtant à rassembler. Dommage qu’en Afrique où l’hospitalité devait être une règle d’or, il s’en trouve des Etats qui en soient, en réalité, dépourvus, et qui soient de véritables barrières contre la liberté de circulation des personnes ! A ce rythme, on peut se demander s’il ne faudrait pas donner raison au président français Nicolas Sarkozy pour sa politique d’immigration choisie.

Pourtant, les pays africains avaient tous les moyens d’être unis et de parler d’une même voix. Le socle était déjà là. Ils pouvaient poursuivre l’œuvre gigantesque laissée par les colons qui avaient vu loin en créant de grands ensembles régionaux telles l’AOF (Afrique occidentale française) et l’AEF (Afrique équatoriale française) . Hélas, c’était la chose la moins partagée, le morcellement de l’Afrique ayant été préparé et exécuté par certains futurs "pères de la Nation". Ce qui, par ailleurs, allait plus tard occasionner le grand retard du continent. Assurément, l’intégration de l’époque coloniale, grâce à laquelle il était possible de circuler librement sur le continent, de s’établir là où bon vous semblait, et de bénéficier des mêmes droits et avantages que les nationaux sans avoir recours "aux papiers modernes" d’aujourd’hui, avait bien plus de poids que l’intégration de notre époque, attrayante sur le papier mais bien plus difficile à réaliser sur le terrain.

La Guinée-Bissau, comme bien d’autres pays de l’espace CEDEAO, enfreint-elle, elle aussi, les règles communautaires en instaurant la carte de séjour ? Quoi qu’on dise, les organisations communautaires sont interpellées. Et à un autre niveau, les chefs d’Etat du continent qui n’ont pas toujours eu à cœur de faire de l’intégration une réalité. Une intégration véritable, ce ne sont pas les populations qui s’en plaindraient, elles qui avaient été intégrées de fait, et qui, jusque-là, n’ont jamais fait mystère de leur désir de vivre ensemble, au-delà de toutes ces frontières artificielles.

Le Pays"



19/05/2008
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