Chant du cygne ou renaissance politique au CDP?
Situation au CDP
Chant du cygne ou renaissance politique ?
La nouvelle politique majeure de la semaine est, comme tout le monde peut s’en douter, la suspension de : Moussa Boly, René Emile Kaboré, Mathieu Ouédraogo, Amadé Tao, Pierre Joseph Emmanuel Tapsoba et Oubkiri Marc Yao des "organes et instances" du parti majoritaire. S’il est vrai que l’opinion s’imaginait qu’il y avait des sanctions dans l’air, ils sont nombreux qui croyaient que cela n’arriverait pas ou que, s’il y avait sanctions, elles n’auraient pas atteint une telle gravité.
Ces deux groupes de personnes se seront donc trompées sur toute la ligne. Cependant, un telle attitude était fort compréhensible, car :
Ensuite, ils entament une longue traversée du désert sans que le parti daigne leur trouver du grain à moudre. Certains d’entre eux finissent par "dégénérer" socialement et moralement. D’autres, du fait de leurs compétences ou de leurs relations ou encore de leurs comportements de repentis ou enfin grâce à tout ça à la fois, réussissent à remonter la pente.
Le seul exemple de sanction avant celui-ci est le cas de ces militants de la région du Nord que sont Lédéa Bernard Ouédraogo, Tasséré Ouédraogo et certains de leurs proches. Là aussi, on sait aujourd’hui que lesdites sanctions ont été levées.
Même si une telle opération intellectuelle est quelque peu tirée par les cheveux, force est de reconnaître que l’on peut plus reprocher à Roch Marc Christian Kaboré sa bonhomie (qui est en effet un défaut dans certains cas) que sa propension à rabrouer son entourage ou à distribuer des chiquenaudes ici et là (ce qui n’est pas forcément un défaut).
Une gestion des cadres à revoir
Si la sanction qui frappe O.M. Yao et ses compagnons peut avoir surpris bien de personnes, certaines insuffisances qu’ils dénoncent sont connues du Tout- Burkina. Depuis sa naissance en 1996, le CDP (sauf erreur de notre part), comme les autres partis du reste, n’a jamais planché sur une politique des cadres de manière prospective. Or, si les autres formations politiques ont l’excuse de ne pas gérer le pouvoir, ce n’est pas le cas du CDP.
Parfois, comme le soulignent les suspendus, la promotion politique et administrative des militants est la résultante du type de rapports subjectifs et amicalistes qu’ils entretiennent avec X ou Y. Mais, au contraire de la position des suspendus, il ne faut pas considérer que c’est nécessairement une raison valable pour porter les débats internes au parti dans la rue.
A l’instar d’une famille, d’une entreprise, d’un service... les problèmes au sein d’un parti doivent y demeurer et y trouver des solutions. Les suspendus nous rétorqueront qu’ils ont épuisé toutes les voies de recours.
Si l’on s’en tient à leur mémorandum et à la déclaration du CDP, il y avait d’autres comportements à adopter et d’autres voies à explorer pour trouver des solutions justes et acceptables par et pour tous.
Tant et si bien que si on peut s’interroger sur l’opportunité des sanctions, prises par le bureau exécutif national du CDP, on aurait tort de ne pas se demander pourquoi les six (6) se sont comportés ainsi. Dans nos couples, entre nos amis et nous, il y a toujours des raisons de rompre nos relations si telle est notre motivation profonde.
Mais une question qu’il faut se poser, c’est celle de savoir si ces raisons sont de bonnes raisons. Dans le cas de figure du CDP aujourd’hui, la pertinence de la rupture actuelle, mise à part les considérations politiques, reste à être démontrée.
Le chant du cygne si...
C’est la première crise au sein du CDP, avons-nous dit. Le CDP accuse de sérieuses limites dans la gestion de ses cadres, avons-nous noté aussi. En tant que parti au pouvoir et conduisant, de ce fait, le destin de 13 millions d’âmes, il a l’obligation d’être plus méthodique dans son approche des différentes problématiques qui se posent à lui et au pays.
Ainsi, s’il faut reconnaître que dans notre système politique, le parti majoritaire a un pouvoir relativement limité (par exemple le président du Faso n’est pas tenu de nommer un Premier ministre CDP) et qu’il est impérieux d’associer le maximum de sensibilités à la gestion politique du pays, il y a lieu d’insister sur la nécessité de réfléchir sur la gestion des cadres de ce pays (indépendamment de leur appartenance politique) et des siens propres.
C’est pourquoi, même si aux yeux des patrons du CDP les suspendus n’ont eu que ce qu’ils méritent, la position la plus sage et la plus instructive pourrait consister à faire reprendre par un petit groupe le mémorandum, à le parcourir point par point et à en extraire les aspects qui, au-delà du style et de l’humeur de ses rédacteurs, nécessitent de rechercher des solutions ou des précisions.
La déclaration publiée par les médias va dans ce sens, mais ayant été rédigée à chaud dans le cadre de la bataille de séduction de l’opinion, elle a certainement survolé des détails particulièrement importants ; alors que le document interne pourrait aller en profondeur.
C’est à ce prix, croyons-nous, que ce qui, aujourd’hui, peut ressembler à une fissure au sein du CDP sera colmaté. Contrairement aux idées répandues, toute crise au sein d’un groupe social est un chant du cygne si elle est mal gérée. Par contre, bien gérée, elle est synonyme de renaissance.
Au CDP, il faut espérer que la deuxième hypothèse soit. Dans cette perspective, il est souhaitable que l’on ne cherche pas à exclure coûte que coûte les suspendus, même si, à leur tour, ils doivent œuvrer à prouver, de par leurs pratiques, que ce qui leur est reproché n’a plus lieu d’être.
Z.K.
L’Observateur Paalga du 18 juin 2008