CNRST : "Le ciel s’obscurcit"
CNRST : "Le ciel s’obscurcit"
mardi 17 juin 2008.Depuis un certain temps une psychose s’est installée chez les travailleurs du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST). Cette situation est vécue en filigrane par des rumeurs, fondées ou non ; dans tous les cas, les temps à venir nous en diront plus. Par ailleurs certains faits et comportements constatés dans cette structure, notamment à la Délégation générale (DG) peuvent étayer aisément nos propos.
Dans le souci de permettre aux lecteurs de saisir le fond de notre réflexion, il nous paraît opportun de faire un bref rappel sur la nature de cette institution. Le CNRST fait partie de la catégorie d’établissements publics de l’Etat dits à caractère scientifique, technique et culturel.
Il comprend quatre (4) domaines prioritaires de recherches, à savoir l’Institut de l’environnement et de Recherches agricoles (INERA), l’Institut de recherche en sciences appliquées et technologie (IRSAT), l’Institut de recherches en science de santé (IRSS) et l’Institut des sciences des sociétés (INSS).
Ces instituts sont le cadre opérationnel des activités scientifiques et disposent d’une large autonomie qui leur permet d’exécuter les missions qui leur sont confiées. Entre autres missions, le CNRST est chargé d’assurer la coordination et le contrôle de l’ensemble des activités et des structures nationales ou étrangères opérant sur le territoire burkinabè en matière de recherche scientifique et technologique.
Aujourd’hui, le constat est que ce centre est à la croisée des chemins. Si l’on a coutume d’évoquer à chaque occasion qu’il y a certes des facteurs externes qui rament à contre-courant du rayonnement du centre, des facteurs endogènes (inhérents à la gouvernance administrative, financière et scientifique) expliqueraient la source de certains maux et cela par :
I - Un personnel hétéroclite dans une atmosphère d’inquiétudes
Le centre compte près de 900 agents parmi lesquels se dégagent 4 types de statut, à savoir : les fonctionnaires(ceux engagés en tant que tel et ceux mis à la disposition du centre), les contractuels permanents, les contractuels des projets et conventions de recherche et la main-d’œuvre temporaire. Si les fonctionnaires bénéficient d’un cadre formel en l’occurrence la loi sur la RGAP pour évoluer dans leurs carrières respectives, ce n’est pas le cas des autres.
En effet, figurez-vous le centre lui-même, depuis sa création en 1978, n’a eu son statut adopté par le gouvernement qu’en mai 2005, et le statut du personnel vient à peine d’être adopté par le conseil d’administration en décembre 2007 et cela sous l’instigation du syndicat.
On pourra dire que les textes législatifs régissant le travail (code du travail) existent, mais ils ont une portée plus générale et toute institution qui se respecte et qui est en quête d’une bonne gestion de ses employés a l’obligation d’avoir un cadre référentiel qui s’adapte à ses réalités.
Sans document référentiel de base, les agents et leurs carrières sont gérés par jurisprudence. Dans un tel contexte, comment voulez-vous que les agents puissent assurer convenablement leurs tâches s’ils ne peuvent pas avoir de promotion ?
Aussi, depuis 2004, le centre a résolument opté pour le paiement des salaires des agents, l’assurance des frais de fonctionnement (électricité, eau, téléphone, dépenses administratives, etc.) ainsi que les missions des responsables. Il n’y a pas d’allocations financières pour les activités de recherche proprement dites.
Certains dignitaires ne rêvent-ils pas qu’à l’achèvement de leurs villas à Ouaga 2000 et d’autres ont hâte de terminer leurs villas en transformation en duplex ? Dans certains instituts comme l’INERA et l’IRSAT, cette situation est vécue avec plus de sévérité et l’une des conséquences est que bon nombre de chercheurs se tournent les pouces.
Une inquiétude hante les esprits des agents depuis le début de l’année en cours. En effet, des informations faisaient état de l’impossibilité de la DAF d’assurer les salaires des agents après le mois de mars.
Le conseil d’administration du 30/03/2008 ayant mesuré la conséquence d’une telle situation, prit des décisions sur la question. Pure coïncidence ou pas, des opérations billettage ont été effectuées les mois de mars et d’avril 2008.
Puis vint la rumeur la plus abassourdissante sur une probable réduction du nombre d’agents sous prétexte d’un effectif pléthorique. Sous les injonctions du syndicat (SYNTER), la délégation générale du CNRST fut dans l’obligation de se déporter au MESSRS et des échanges ont été faits sur la question. Ce n’est qu’à ce stade que certains faits ont été dévoilés.
L’attitude du premier responsable (le DG) face à ce problème laisse à désirer et c’est peut-être la preuve qu’il a d’autres chats à fouetter que de s’occuper de l’avenir des agents et du centre. Cependant, comme pour mettre en exergue la profondeur des problèmes dans cette institution, le ministère de l’Economie et des Finances (MEF) a exigé tous les documents administratifs (projets, conventions, contrats de travail) qui ont permis le recrutement du personnel dit contractuel permanent.
En fin mai 2008, une équipe de contrôleurs du MEF a exploré les différents services administratifs et financiers de la délégation générale et cela durant près d’une semaine. Dans sa logique, le MEF a décidé de diligenter elle-même une 3e opération billettage le mois de juin 2008.
A tous ces faits s’en est mêlée cette affaire d’acquisition d’un logiciel de gestion administrative et comptable par la Délégation générale à hauteur de 45 millions et qui ne donnerait pas satisfaction. Le fournisseur narguant la DG qu’il n’a pas reçu la totalité du montant. Y a-t-il eu un deal, ou quoi alors ?
Tous ces faits prouveraient qu’il y a un sérieux malaise dans la maison et vivement qu’un bon diagnostic soit fait.
II - Un traitement inégal des agents
En ce qui concerne cet aspect, ce traitement s’articule autour de l’évolution dans les carrières, les indemnités et les primes de recherche servies dans le centre. Comme nous l’avons mentionné en supra, les agents fonctionnaires du centre disposent des possibilités pour évoluer aisément dans leurs carrières par le biais des concours organisés par le ministère de la Fonction publique.
Quant à la situation des autres agents (contractuels permanents), elle est dramatique. Ils ne disposent pas à l’heure actuelle d’un cadre d’évolution. Il n’y a pas une politique de formation, ni plan de carrière et de plan de formation digne de ce nom, malgré l’interpellation du syndicat sur la question.
Ces derniers trouvent leur salut grâce aux projets, aux bourses d’organismes de bienfaisance et à la prise en charge personnelle (formation dite sur financement personnel) pour acquérir le savoir et la connaissance et espérer améliorer leur quotidien, et dans la plupart des cas contre le gré de certains supérieurs hiérarchiques.
Cette attitude n’est pas digne d’une institution comme le CNRST qui dans son plan d’action devrait intégrer les renforcements de capacités comme maillon essentiel en vue d’atteindre les missions qui lui sont assignées.
Le fort potentiel scientifique humain dont regorge le centre ne peut assurer durablement le rôle qui lui est dévolu qu’en se hissant au diapason des dernières technologies et innovations.
Une situation inqualifiable et incompréhensible que vivent les agents contractuels permanents (le personnel technique, administratif et de soutien) est celle relative aux indemnités servies dans le centre.
Ces derniers ne bénéficient d’aucune indemnité (sujétion, logement et risque) tandis que leurs collègues fonctionnaires à catégorie similaire et avec lesquels ils exécutent les mêmes tâches dans les mêmes conditions sont bien lotis.
Pourquoi une telle discrimination ? Cet entêtement des responsables du centre à ne pas résoudre favorablement ce problème trouve son origine dans l’interprétation biscornue et sans recul du décret n° 2004-398/PRES/PM/MFB du 16 septembre 2004 portant régime indemnitaire applicable aux agents des EPE. Cette injustice doit être réparée et cela à compter de la date d’adoption dudit décret.
Un autre cas, le plus ahurissant et le plus illustratif, est celui des contractuels permanents qui ont accédé au grade de chargé de recherche et ceux qui accéderont plus tard aux grades de maître et directeur de recherche au CAMES. Ces derniers n’ont pas de grille salariale et de classification catégorielle (P1, P2, P3) correspondant à leurs titres respectifs comme chez les fonctionnaires.
Or, ils ont les mêmes grades et exercent les mêmes fonctions. Ils demeurent de ce fait, toujours dans la 1re catégorie échelle A. Voilà une situation qui est vécue au vu et au su des responsables et qui n’ont jamais initié des actions au niveau des institutions pour la prise en compte de cette préoccupation.
C’est pourquoi il nous paraît urgent que vous interpelliez vos ministères compétents pour un traitement diligent de ce problème et que réparation soit faite aux bénéficiaires.
III - Des décisions administratives incohérentes, des incompétences avérées et des comportements irresponsables
Le CNRST en tant qu’établissement public de l’Etat a le devoir de respecter et de faire respecter par l’ensemble des usagers de cette institution les procédures d’établissement des actes et décisions administratifs. Cependant, force est de constater que des notes administratives d’importance capitale sont prises dans le but ultime de léser les agents.
La dernière en date qui constitue le point d’échauffement et que d’aucuns ont qualifié de burlesque et d’inepte est celle qui stipule en substance que « Dorénavant tout acte administratif à incidence financière ne prendra effet qu’à compter de la date de signature ». Les géniteurs de cette note (le SG et le DRH) n’ont pas eu une grande capacité de discernement.
La DRH/CNRST doit se rendre compte que l’une de ses qualités et vertus reconnues est sa superlenteur dans le traitement des dossiers. Dans un service où l’obtention d’une remise en activité, d’un reclassement catégoriel, d’une disponibilité, d’une nomination, etc. est un calvaire, disons un chemin de croix pour les agents.
Cette situation est surtout vécue par les agents contractuels permanents qui, généralement après soutenance de leurs thèses de doctorat ou des mémoires (DEA, DESS, Master, Ingéniorat), durent faire des va-et-vient entre 8 et 16 mois pour espérer avoir leurs nominations dans leurs fonctions respectives.
Dans ce même décor, il y a eu une variabilité sur les dates d’effet de nominations d’attaché et d’ingénieur de recherche. D’autres (les chanceux ou les privilégiés) ont bénéficié à compter de leur date de prise de service, et certains, selon les humeurs de la DRH.
Et dans un tel contexte l’on décide que la date d’effet du bénéfice financier soit à compter du jour de la signature de cette nomination. Pendant cette période d’attente, l’agent continue-t-il de travailler ou pas ? L’agent qui a soumis sa demande a-t-il une part de responsabilité dans le traitement du dossier ?
Cette note dans la forme et le fond ne reflète aucune logique administrative dans un centre comme le CNRST et elle est caduque. Il y a véritablement une confusion entre les nominations administratives et la nomination dans une fonction de recherche qui n’est rien d’autre que son grade.
Des agents administratifs de la maison sont perplexes et leur désapprobation sur la question est sans équivoque.
Au vu de cette incohérence, il serait souhaitable d’interpeller le DG du CNRST pour abroger cette note inconséquente et faire réparation à tous ceux qui ont été lésés afin de baisser la tension car le pire est à craindre.
Dans cette logique des faits, il y aurait environ 70 dossiers en attente de traitement à la DRH/CNRST. Certains sont vieux de 4 ans. Comment peut-on prendre en otage la carrière d’agents ? Est-ce une incompétence, une incapacité ou une fuite de responsabilité du DRH ?
Pour ce faire et dans le souci de bannir la médiocrité, le DRH peut s’attacher les service de la Direction de la coordination et du contrôle scientifique (DCCS) pour une appréciation technique sur les dossiers de nominations aux différentes fonctions comme attaché et ingénieur de recherche.
Par la même occasion le DRH doit cultiver la courtoisie envers les agents car son attitude et sa réaction relatives aux problèmes des bulletins de présence sont à proscrire dans une administration publique. Tout cela ne fait que mettre à nu qu’au sein de cette direction (DRH) un réaménagement est plus que jamais indispensable si l’on veut consolider le peu d’acquis.
Monsieur le Premier ministre, au terme de cette réflexion, nous dirons ceci : les responsables actuels du CNRST ont montré leurs limites tant sur les plans intellectuels, que dans la conduite des affaires du centre et le management de grandes potentialités en ressources humaines dont regorgent l’institution. Pour les dirigeants qui aspirent ou qui ont la nostalgie de leur passé politique, il y a d’autres tribunes pour eux de poursuivre leur carrière. Quant à ceux qui ne pensent que c’est une vache laitière, ils n’ont qu’à se rendre compte dès maintenant que c’est une illusion.
En ce moment où les masses laborieuses paysannes scrutent avec anxiété les horizons d’une générosité du ciel pour une bonne pluviométrie, il nous paraît de rappeler si besoin en était le rôle primordial que ce centre joue pour la prise en compte des contraintes liées aux risques climatiques et à l’accroissement de la production agro-sylvo-pastorale dans notre pays.
Nous ne nous érigeons pas en donneurs de leçons. Notre prétention en tant qu’acteur (puisque nous sommes de la maison), c’est de rompre avec le silence. Le CNRST bénéficiant des allocations du contribuable burkinabè, nous avons tous le droit d’y veiller.
Si les chercheurs et techniciens s’évertuaient à de telles interpellations, nous aurions gagné davantage dans la préservation de notre patrimoine. Et c’est dans cette dynamique que nous pouvons gagner le combat du développement. Par une comparaison dualiste, ce combat, nous pouvons le gagner si nous choisissons à l’évidence d’être architectes et non pas simplement abeilles. Ce serait la victoire de la conscience sur l’instinct.
Pour finir, les agents du CNRST attendent votre visite prochaine au centre car, après l’université de Ouagadougou, c’est bien à son tour tout naturellement. Ça sera peut-être l’occasion de toucher du doigt certaines réalités, et cette visite n’aurait atteint ses objectifs qu’en écoutant les représentants des différentes catégories et organisations socioprofessionnelles.
Tout en espérant que cette réflexion vous parviendra, veuillez recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’expression de nos sincères salutations.
Ouagadougou, le 12 juin 2008
Ont signé :
Rouamba G.P. & Tapsoba A.
L’Observateur