Des propositions pour une bonne gestion des crise socio-religieuses

Crise socio-religieuses

Des propositions pour une bonne gestion

 

La gestion d'une crise sociale, politique, économique ou autre n'est pas une chose aisée. Sans un minimum de pondération, de sens de la responsabilité, il est souvent difficile de trouver le remède qui convient. A la lumière de la crise universitaire et de la tourmente à la mosquée de Gourcy, l'auteur des lignes ci-dessous estime que leur gestion par les autorités n'a pas été heureuse. D'où des propositions de bonne gestion qu'il fait à qui de droit.

 

Au nom de Dieu, clément et miséricordieux !

La gestion des crises ou agitations diverses (politiques, sociales et même religieuses) donne l’occasion de mesurer et, dévaluer l’état et le niveau de démocratie d’un pays et, partant, du degré d’engagement des autorités politiques, coutumières et religieuses à défendre la justice et, autres valeurs humaines, d’une part, leur sens de responsabilité et de maîtrise de soi, d’autre part. L’actualité nationale au Burkina Faso au cours de ces dernières semaines nous a offert une cascade de crises parfois aiguës dont la gestion (hélas) nous a semblé inconséquente, du moins déplorable. Mais de quelles crises s’agit-il au juste ?

 

1) La mosquée de Gourcy dans la tourmente

 

Nous avons appris à travers les médias qu’une opposition féroce, doublée d’un bras-de-fer, entre leaders religieux (des imams) à Gourcy a débouché sur une impasse implacable avec la volonté des deux camps d’en découdre énergiquement car on était à deux doigts de l’implosion. Cet état de fait a conduit les autorités administratives et politiques à procéder à la fermeture pure et simple de ladite mosquée au grand désarroi des fidèles musulmans tant dans ladite localité qu’aux quatre coins du pays. Deux observations s’imposent à nous :

- D’abord, sur le caractère ridicule du spectacle : nous sommes une fois de plus touchés et choqués d’enregistrer une faille, voire un échec dans l’organisation des communautés musulmanes de notre pays. A chaque fois qu’un lieu de culte est fermé suite à des troubles ou mésententes, on découvre qu’il s’agit d’une mosquée, rarement ou quasiment jamais d’une église ou d’un temple ou d’une mosquée Ahmadiya. Pourquoi et comment les autres congrégations religieuses parviennent – elles à éviter ou à bien gérer leurs crises dans une totale discrétion et que les musulmans lavent et étalent leurs linges sales sur la place publique ? Encore qu’il existe une instance nationale censée régler ces questions, en l’occurrence la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB). Quelle est finalement son importance et son degré de responsabilité dans ces ratées et échecs (pèlerinage, Tabaski, fermeture de mosquée) ? A qui profitent les ‘’crimes’’ ? Ce sont autant de questions que l’on est en droit de se poser. Pourtant, les hadiths du Prophète (paix et salut sur lui) sont sans ambages :

- "Si deux musulmans s’affrontent à l’arme réelle, et que l’un tue l’autre, tous les deux seront jetés en enfer". Le meurtrier oui, mais pourquoi la victime ? lui a-t-on demandé.


- "Parce que la victime également avait l’intention de tuer".

- "Nous ne prenons pas pour intendant celui qui veut occuper ce poste… Si quelqu’un force pour prendre la tête (le devant) Dieu ne l’assiste pas mais si ce sont les gens qui l’y ont placé, Dieu lui vient en aide… Le poste de gouverneur que vous enviez (ou convoitez) tant sera pourtant source de regret au jour du jugement dernier ». Les savants enseignent que si l’on savait la gravité de l’imamat (la responsabilité) devant Dieu, personne n’aurait souhaité occuper ce poste, sauf par contrainte, autrement dit sous forte pression.

Bref, comme on le voit, l’attitude (le silence injustifiable) des membres de la Fédération pose le problème de sa crédibilité et des soubassements (des raisons) véritables de sa création.

- Deuxième observation : la réaction des autorités politiques et administratives (mairie, préfecture et haut- commissariat) face à ces "bateaux ivres", c'est-à-dire les mosquées en ébullition. Nous pensons qu’elles gagneraient à revoir les sanctions à infliger, du moins, les décisions à prendre dans des cas similaires de crise ouvertes ou latentes. Est-il logique de fermer une maison de Dieu (qu’est-ce que la mosquée) parce que deux têtus ou insensés sont à couteaux tirés ? Est-il juste de priver, de ce fait, les autres fidèles innocents de leurs lieux de culte et des mérites de la prière collective ? Est – ce de telles sanctions que prévoit la Constitution du pays ?

- Pour notre part, nous souhaitons plutôt une approche plus équitable et plus dissuasive : arrêter et extirper les têtes coupables et fautives puis les traduire en justice pour menace grave à l’ordre public ou les remettre entre les mains de la Fédération. Ils iront y répondre de leurs actes en attendant que Dieu leur demande des comptes au grand jour. Le Coran est clair là-dessus : "Les machinations criminelles ne retombent que sur ceux qui les mettent en œuvre (leurs auteurs)".

- Le prophète a averti :

"La fitna (tentation, trouble, désordre) est quelque chose qui dort, la malédiction divine tombe sur celui qui la réveille".

Plus grave, face à cette crise, il a été demandé le concours des féticheurs, des coutumiers, des pasteurs et prêtres pour régler ce litige entre musulmans alors que ce devrait être plutôt aux musulmans de participer à la réconciliation entre les autres communautés car l’Islam est le grand-frère de toutes les religions célestes et monothéistes.

L’Etat devrait revoir ses textes relatifs aux crises confessionnelles notamment musulmanes, et cela en associant les autorités religieuses intègres et les savants musulmans. En attendant, nous ne voyons pas autre meilleure solution (au lieu de la fermeture) que l’arrestation et la mise en quarantaine des instigateurs ou complices de ces forfaitures du plus grand au plus petit.

Fermer un quelconque lieu de culte à cause de quelques brebis galeuses constitue une lourde responsabilité devant Dieu. Nous saluons au passage la décision gouvernementale de privatiser l’organisation du hadj car la situation devenait de plus en plus intenable.

 

2) Crise universitaire et option répressive : coup de massue sur l’université.

 

Un autre événement douloureux et triste de l’actualité nationale est sans conteste la crise née du dialogue de sourds entre les étudiants et les autorités universitaires et même politiques. Ce blocage a conduit les autorités concernées à prendre des mesures – sanctions – drastiques sans précédent : fermeture de l’université, arrêt des prestations sociales telles les bourses, les aides, les restaurants universitaires, fermeture des cités et expulsion des étudiants hors du campus. A ce niveau, deux observations également s’imposent à nous :

- Première observation : l’U.O appartient à l’Etat burkinabè (et non au gouvernement ni à une confession religieuse). Les étudiants sont des fils du pays, voire de l’Afrique et futurs cadres de la nation. En d’autres termes, ce sont des étudiants de l’Etat burkinabè, tout comme la cité, les restaurants et autres infrastructures diverses. Les bourses, les pécules et aides sont versés au nom et par l’Etat burkinabè. Dans ces conditions, si des négociations entre les étudiants et les autorités (quelles qu’elles soient) n’ont pas abouti à d’heureuses conclusions, le gouvernement peut être amené à fermer temporairement le campus universitaire si la situation l’exige et après consultation des autres acteurs et partenaires (Assemblée nationale, parents d’élèves, autorités coutumières et religieuses), mais le gouvernement ne devrait pas, au nom des valeurs morales et des principes démocratiques, mettre fin aux prestations sociales accordées aux étudiants (restaurants, cités, pécule, santé…). Autrement, c’est les pousser dans la déchéance sociale et économique (faim, soif, misère, prostitution). Pourtant, la gravité de la faute ne mérite pas une telle sanction. Du reste, ces étudiants ont un droit sur l’Etat. En d’autres termes, l’Etat a des obligations vis-à-vis de ces jeunes, obligations que le gouvernement doit faire respecter jusqu’au bout : garantir leur intégrité physique et morale, leur assurer une bonne formation pour ne citer que celles-là. Pour gouverner, il faut du sang-froid, dit-on. Le prophète Mohamed (paix sur lui) l’a fortement recommandé :

- "Quand vous détenez le pouvoir, profiter pour faire le bien et pardonner à ceux que vous commandez… Si tu es en colère ne parle pas, ne juge pas, ne tranche pas… Traite ton ami avec mesure car il peut devenir ton ennemi et traite ton ennemi avec mesure car il peut devenir ton ami."

D’autre part, le déploiement et l’utilisation d’un "arsenal" militaro- juridique dans l’enceinte universitaire contre des étudiants est sujette à caution et est (en Afrique) à géométrie variable et pour cause ! Nous sommes convaincus que, si d’aventure, il y avait parmi ces étudiants les enfants des dignitaires politiques, coutumiers ou religieux du pays, personne n’oserait tirer le moindre coup de fusil sur le campus à plus forte raison à balles réelles !

- Deuxième observation : nous ne savons plus vraiment comment qualifier la position des autorités coutumières et religieuses de notre pays. On est en droit de se demander quelle est leur importance et leur rôle dans la vie et dans les événements nationaux.

Ne pouvaient-elles pas attirer l’attention du gouvernement sur les conséquences fâcheuses de telles mesures ? Ne devraient-elles pas intervenir en amont et en aval pour limiter les dégâts à défaut de pouvoir prévenir les crises et conflits sociaux ? C’est vraiment dommage et regrettable. Selon un hadith du prophète, "dans toute société il ya deux piliers ; s’ils sont justes la société se trouve saine et heureuse, mais s’ils sont corrompus (gangrenés) et injustes, la société devient corrompue et malheureuse : ce sont les dirigeants et les savants".

Quand on est un bon et vaillant chef ou autorité religieuse ou coutumière, on doit être prêt à sacrifier ses biens et sa personne pour la défense de la vie et des intérêts de ses populations. La sunna (tradition prophétique) enseigne ceci : "Dieu prive de sa protection toute cité au sein de laquelle un seul homme souffre de la faim".

A l’heure actuelle combien d’étudiants souffrent de la faim, de la galère matérielle et financière ? Combien d’étudiants musulmans dorment-ils aujourd’hui dans des églises ou temples chrétiens car manquant de tout et cherchant le moyen de regagner leurs pauvres parents au village ? Qu’ont fait les autorités musulmanes dans ce sens ? Ou sont ces cheicks et autres richards enturbannés ? L’Islam pourtant a averti : "Si tu dors la nuit le ventre plein alors que ton voisin dort le ventre creux, tu n'es pas un croyant… Les musulmans sont comme un seul corps, en sorte que lorsqu’un membre est atteint d’un mal, tout le corps en souffre et ne peut dormir".

Au total, l’attitude des autorités politiques dans cette crise universitaire manque de sagesse et de dignité. Mais le silence des autorités religieuses et coutumières est encore plus grave. Nous souhaiterions, pour terminer, que les musulmans notent ceci : d’abord, lorsqu’une crise atteint son paroxysme ou un point de non retour, Dieu intervient vigoureusement pour remettre les pendules à l’heure. Mais comment ? Attendons de voir. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’aux yeux de l’Eternel Dieu, le commanditaire (ou cerveau) d’une action injuste (répression, machination) et son exécutant (l’auteur) ont tous les deux le même degré de pêché et donc encourent la même peine ; les témoins passifs n’y échappent pas. Ils auront leur "part" de tourments. Ensuite, bon nombre de gens sont déçus et pensent mal de nos autorités religieuses. Lisons ce qu'a écrit le journal "L’Ouragan" n° 234 de juin 2008 à la page 2 (en éditorial) : "Maintenant que nous savons que le prêtre, le pasteur, l’imam sont des menteurs, nous avons décidé de nous libérer de nos chaînes spirituelles, mentales, car tous ceux-là se sont faits les complices actifs de piètres politiques qui nous ont trop sucé le sang, des vampires qui sucent notre sang, le sang de nos enfants…"

 

Ouagadougou le 26/07/2008

 

Pr. Boubacar TAMBOURA

Mamoudou TRAORE

Le Pays du 31 juillet 2008





31/07/2008
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