Disparition d’Elimane Fall : La presse panafricaine perd un modèle

Mardi 29 avril après-midi. Dans la salle d’attente de la chambre mortuaire de l’hôpital Bichat de Paris, l’émotion est forte. Autour de la veuve, inconsolable, de nombreux amis, confrères et parents sont là, pour dire adieu à Elimane Fall, décédé vendredi 25 avril des suites d’un « cancer foudroyant » selon Jeune Afrique, l’hebdomadaire panafricain où il officiait en tant que rédacteur en chef adjoint. Pris d’un malaise alors qu’il se trouvait dans son bureau, il avait été évacué par les services d’urgence à l’hôpital où il décèdera quelques jours plus tard.

La disparition d’Elimane Fall est une immense perte pour la presse panafricaine et mais aussi pour tous ceux qui s’intéressent au continent noir. Ancien élève du lycée Henri IV et diplômé du Centre de formation des journalistes de Paris, il était entré à Jeune Afrique en décembre 1981 où il passera toute sa carrière, excepté un passage de deux ans à Jeune Afrique Economie entre 2000 et 2002.

53 ans, père de quatre enfants, Elimane Fall était un grand professionnel, méticuleux, voire perfectionniste. Pour un débutant en journalisme, travailler à ses côtés était une vraie épreuve, mais aussi une formidable occasion de formation. C’était un vrai pédagogue qui savait se montrer très exigeant sur le respect strict des règles élémentaires à observer : produire une information claire, vérifier la date et le lieu des évènements, soigner l’orthographe des noms et les fonctions exactes des acteurs cités, respecter l’angle et la distance du papier et veiller à le rendre à l’heure.

Vous aviez terminé votre papier dans le délai fixé, lui prenait tout le temps de le relire et, sans complaisance mais sans jamais manifesté l’intention de nuire ou d’humilier, vous le rendait avec ses annotations, remarques et suggestions, faites en crayon papier. Rien n’échappait à son regard. Débutant, vous mesuriez alors le chemin qui vous reste à faire pour rendre des papiers propres.

D’un paternalisme parfois agaçant avec les jeunes journalistes, Elimane Fall était surtout un « ancien » qui savait vous motiver, vous pousser à donner le meilleur de vous-même. Tel le vieux sage chanté par le musicien traditionnel burkinabè Mathias Kaboré, celui qui, humblement, s’approche de lui n’en retire que bénéficie. Intègre, discret, il avait un sens élevé de l’éthique et de la déontologie du métier de journaliste.

Dans un milieu peuplé de « pharisiens », de « m’as-tu-vu » aux ego souvent démesurés, Elimane Fall brillait par sa simplicité, une vertu rare. Pour avoir connu l’homme et travaillé à ses côtés lorsqu’il était à Jeune Afrique Economie, je peux affirmer qu’Elimane Fall était un homme bon, généreux et serviable. Panafricaniste, il avait une grande capacité d’analyse de l’actualité du continent noir et plus d’une fois, j’ai été impressionné par la connaissance qu’il avait des hommes politiques burkinabè. Il avait le sens des formules et savait trouver le mot juste pour décrire où qualifier une situation là où d’autres avaient besoin de détours alambiqués. La plume d’Elimane Fall va nous manquer.

Au moment où il nous quitte je veux lui adresser en guise d’adieu ces quelques mots : Maintenant que tu retournes à Nioro du Rip, au Sénégal, pour un repos éternel sur la terre de tes ancêtres, saches que tu es un exemple pour tous ceux croient qu’il est possible d’informer sur l’Afrique, de façon juste et juste équilibrée.

Que les ancêtres t’accueillent et te fassent une place parmi eux !

Lefaso.net présente ses condoléances à sa famille, à sa veuve Assita (d’origine burkinabè ) et à ses enfants.

Joachim Vokouma
Lefaso.net



06/05/2008
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