Fermeture des chambres de passe : Nuit chaude à Somgandé

Fermeture des chambres de passe

Nuit chaude à Somgandé

Dans la nuit du 30 mai 2008, des responsables de la commune, accompagnés de la police municipale, ont effectué une descente surprise dans des chambres de passe de Ouagadougou. Il s'est agi au cours de cette virée de vérifier et d'ordonner la fermeture immédiate des chambres jugées insalubres, en attendant la fin du sursis d'une année accordé par le maire aux promoteurs de chambres passe pour la fermeture définitive desdits établissements.


Appelées par les Burkinabè "chambres de passe", les maisons closes ont plusieurs appellations chez leurs promoteurs : "hôtels des pauvres", "chambres utilitaires", etc. Cependant, qu'elles soient "utiles" ou qu'elles "contribuent à la lutte contre la pauvreté", le conseil municipal de Ouagadougou, notamment le maire, Simon Compaoré, n'en a cure. Aussi, déterminé à en finir avec la prostitution dans la ville et dans sa lutte pour la sauvegarde des moeurs, le maire a ordonné la fermeture de ces maisons, avec au départ un délai de trois mois, repoussé après à douze mois. Il faut dire que c'est la résolution à l'amiable avec les promoteurs desdits établissements, regroupés au sein du "Groupement informel des propriétaires de chambres de passe de Ouagadougou", qui a favorisé le report du délai de fermeture. Non sans que les autorités municipales n'aient toutefois imposé quelques conditions à respecter pendant le fonctionnement desdits établissements. Au titre de ces conditions, les propriétaires sont tenus au respect strict des normes d'hygiène dans leurs établissements. Les locaux qui ne seraient pas dans cette logique feront l'objet de fermeture immédiate, c'est-à-dire, bien avant même la fin du sursis accordé par la municipalité. Les promoteurs consentants ont même convenu de la mise en place d'une commission ad'hoc, commune, avec les instances de contrôle de la mairie (les présidents des différentes commissions Affaires générales des cinq arrondissements de la ville, la police des hôtels, la police des moeurs), et dont le rôle consiste à veiller au respect des engagements pris par chaque partie. Cette commission ad'hoc comprend également un conseiller juridique et implique la presse chaque fois que de besoin.

C'est dans le cadre donc des prérogatives de la commission ad'hoc qu'a eu lieu la "descente de salubrité" dans les chambres de passe de la zone non lotie du secteur 25 (Somgandé), dans la nuit du 30 mai dernier. Exactement entre 20 h 15 et 21 h 40. Cette sortie a occasionné la fermeture immédiate de deux maisons closes. Dirigée par la directrice de l'Action sociale et de l'éducation de la commune, Marie Paule Compaoré, la délégation est allée surprendre les occupants de ces maisons closes. Mais, selon certains, cette descente nocturne, qui devait se faire dans la surprise, aurait été auparavant ébruitée dans la ville, si bien que nombre de clients avertis sont restés chez eux.

Seuls les clients des maquis étaient encore sur les lieux, assis autour de leur bière. Ceux qui étaient dans les chambres avec les filles, ont tous eu le temps de fuir, filles comme hommes, par les portes de secours, alertés par des complices qui ont vu le cortège municipal arriver. Mais, des chaussures ainsi que des engins, et même des sous-vêtements (slips) et des condoms ont été retrouvés, sur les lieux, abandonnés par leurs propriétaires au cours de leur fuite. Dans la deuxième cour visitée, qui portait à son pinacle la mention "L'auberge", ont été retrouvés deux petits bancs entourés par deux chaises. Sur l'un des bancs était posé un sachet noir contenant un slip blanc et des paquets de condoms. Mais les chambres étaient désertes. C'est grâce aux explications des tenanciers qui faisaient partie de la délégation que les autres membres ont pu comprendre que les deux chaises et le banc servaient en fait de bureau du réceptionniste, le même qui perçoit les cautions quand les clients viennent louer les chambres.

Dans ces maisons, l'environnement laissait vraiment à désirer. Outre le fait que ces chambres sont d'une puanteur incomparable, les couchettes à l'intérieur sont des semblants de lits, construites en terre et recouvertes de ciment. Les acteurs risquent même de se fracasser le crâne, si les ébats sont vraiment intenses, puisque les matelas qui sont au-dessus n'en sont pas en réalité. Ce ne sont que de vieux chiffons, déchirés en mille morceaux. Les draps étaient d'une saleté à provoquer la nausée. L'état de délabrement des chambres était d'autant plus réel qu'il n'y avait même pas d'ouverture, à part la seule porte d'entrée et des toilettes de fortune (pour les chambres qui en ont une) où stagnent les eaux des bains intimes des filles. "Que diable viennent chercher ces gens-là ici", s'est entre-temps écrié un membre de la délégation. La directrice de l'Action sociale et de l'éducation très indignée, n'a pas hésité une seule seconde, dès la première visite, à ordonner que les éléments de la police municipale notifient les constats et que ces maisons soient fermées, illico presto. Du reste, elle aurait voulu que l'on surprenne des clients à l'intérieur des chambres, pour que la presse les filme, car, dira-t-elle, "c'est parce qu'il y a des clients qu'il y a la prostitution." Cependant, même la présence de photographes et de cameramen ne plaisait pas à certains membres de la commission, notamment des propriétaires de chambres de passe. C'est ainsi qu'au début de la visite, les cameramen de la Télévision nationale et de Canal 3 ont été pris à partie. Cela s'est vite transformé en une échauffourée d'environ un quart d'heure au sein de la délégation. Il a fallu l'intervention du directeur de la communication de la commune, qui s'est vu contraint de donner un cours sur le droit à l'image au cours duquel il les a rassurés que toutes les images seraient traitées avant leur publication, pour que la situation se calme.

ENCADRE

SEBASTIEN NANEMA, PROPRIETAIRE DE CHAMBRES PASSE

"L'état de ces maisons est vraiment déplorable"

"Je suis vraiment désolé de voir ces maisons-là. Dans notre regroupement, nous ne connaissons ni ces genres de maisons, ni leurs propriétaires. Ces coins, nous ne voulons pas du tout les voir. Nous voulons, si possible, qu'on les ferme dès ce soir même, définitivement.

Nous ne disons pas cela par peur de concurrence. C'est un constat et vous l'avez constaté. C'est déplorable. Nous avons fait des tournées et depuis longtemps, nous avons demandé au maire de nous envoyer des agents pour que nous venions fermer ces maisons.

Je suis même d'accord que la mairie fasse un tour chez moi. Je ne suis pas loin d'ici. Vous pouvez venir voir et vous allez faire la différence par rapport à ces maisons."

Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU

Le Pays du 2 juin 2008




04/06/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 26 autres membres