Journée de la liberté de la presse
Journée de la liberté de la presse
Mettre fin au complexe d'Abraham
Dire que si la presse n'existait pas il eût fallu l'inventer, relève plus de la lapalissade que de l'évidence. Tant il est vrai qu'en ce début du 21e siècle, où la magie des nouvelles technologies de l'information et de la communication rend davantage possibles le meilleur et le pire, la presse est au coeur du destin de l'homme. A la fois fille et mère de la démocratie, elle est aujourd'hui plus que jamais un enjeu déterminant, en amont comme en aval, de la destinée des sociétés humaines. On comprend dès lors que la presse suscite, à son corps défendant, autant de phobies, de haine mais aussi de considération et d'admiration.
Journalistes embastillés, assassinés, portés disparus, récompensés, courtisés, rarement un secteur d'activités humaines ne cristallise avec autant de force et de véhémence le bien et le mal. Ce métier est dangereux pour ceux qui l'exercent et pour ceux qui nous gouvernent. Mais il est tout autant exaltant et passionnant pour ceux qui le pratiquent. Plus généralement, les citoyens adorent et abhorrent la presse. Le regard qu'ils posent sur elle est fortement tributaire des intérêts du moment et de l'espace. Plus particulièrement, les journalistes sont la mauvaise conscience des gouvernants, mais aussi leur alibi et leur légitimation. Si tout baigne, c'est grâce aux dirigeants. Si tout dérape, c'est à cause de la presse. Le journaliste est alors le mouton tout désigné pour le sacrifice, le bouc émissaire qui doit expier. Il est temps que les gouvernants, particulièrement ceux du Tiers-monde, se débarrassent de ce complexe d'Abraham.
Le temps est venu pour les gouvernants de tous pays, de regarder la presse avec les yeux de l'intelligence et de la tolérance. Car, in fine, la très grande majorité des journalistes à travers le monde, se comportent plutôt en fantassins quasi irréprochables qui, par leur sacerdoce, évitent à bien des gouvernants, des dérives irréversibles et mortelles. Mais il est vrai que pour les insensés et les tyrans, comprendre cela est au-dessus de leurs forces.
Le Pays du 5 mai 2008