"L'adieu" aux confrères(Luc Adolphe Tiao à L'Obs.)

Luc Adolphe Tiao à L'Obs.

"L'adieu" aux confrères

 

 

Donné pour partant du Conseil supérieur de la communication (CSC), Luc Adolphe Tiao fait depuis quelques semaines le tour des médias pour ce qu'on pourrait appeler "l'adieu aux confrères", même si, en réalité, ce n'est qu'un au revoir. Hier dans la matinée, celui qui a donné toutes ses lettres de noblesse au CSC était dans nos murs.

 

C'est à 10 heures le mercredi 23 avril 2008 que le président du Conseil supérieur de la Communication (CSC), Luc Adolphe Tiao, est arrivé à  l'Observateur paalga, où il a été accueilli par notre directeur de publication, Edouard Ouédraogo.

Il était accompagné, entre autres collaborateurs, de Songré Etienne Sawadogo (son secrétaire général), de Victor Sanou (conseiller), de Gnanou Yaya Tamani (conseiller), de Bachirou Kagoné (chef du département des études et du programme), de Simon Yaméogo (chef du département de la communication et des relations publiques).

Après un entretien à huis clos avec le maître des lieux, suivi d'une visite guidée des différentes sections du journal, questions de toucher du doigt nos conditions de travail, Luc Adolphe Tiao a échangé une trentaine de minutes avec quelques journalistes de l'Obs.

"J'ai eu le plaisir de connaître et d'apprécier le journal depuis les années 70, quand j'étais encore jeune étudiant", a dit d'entrée notre illustre visiteur, qui a poursuivi : "Au moment où vous vous apprêtez à commémorer les 35 ans de la création de cette publication, je me dois donc de vous féliciter pour votre détermination. J'ai vraiment vécu le martyr que vous avez subi pendant des années, suite à l'incendie de l'Observateur  (en juin 1984 Ndlr) alors que moi-même j'étais directeur de la rédaction de Sidwaya. Vous avez fait preuve d'une ténacité extraordinaire, et l'Observateur a pu renaître de ses cendres. C'est de l'histoire. Mais je me dis que si l'Observateur n'avait pas été, on ne sait pas comment la presse allait évoluer au Burina Faso, même après la libération du paysage médiatique dans notre pays, car vous avez tracé la voie. Je tenais à venir saluer ce courage, cette détermination, cette foi au rôle que la presse peut jouer pour un pays, et vous encourager à poursuivre dans cette même lancée". Luc, pour qui le journalisme, burkinabè en l'occurrence, n'a plus de secret a saisi l'occasion de sa visite à l'Obs., pour dire ce qu'il pense de l'évolution de la presse d'une manière générale. "Nous avons la chance d'avoir dans ce pays une presse de qualité, même si souvent on a des critiques acerbes. Nous souhaitons que cette presse burkinabè puisse être à l'image de ce que vous avez fait pendant longtemps, une presse qui défend réellement les valeurs de la République, et aussi nos valeurs culturelles". Luc A. Tiao ne tarit pas d'éloges à l'endroit de l'Observateur paalga, qu'il trouve humble. "Il arrive souvent qu'il  y ait des dérapages, qu'il y ait des manquements. Vous-mêmes, vous avez fait l'objet à plusieurs reprises d'auditions. Mais ce que je constate sur ce point précis, c'est votre humilité. C'est l'exemple que vous donnez, car quand bien même vous n'êtes pas toujours d'accord avec nous, vous vous dites que l'institution est dans son rôle. Nous souhaitons que l'Observateur soit toujours un exemple de professionnalisme, une référence pour les autres".

Les rapports des médias avec le Conseil supérieur de la communication sont quelquefois faits d'incompréhensions. Les premiers critiquent certaines décisions ou prises de position du second. C'est le cas par exemple de l'information sur la santé du chef de l'Etat, qui a suscité il y a quelques semaines de cela, la réaction de celui qu'on brocarde souvent comme le gendarme des médias.

"Nous sommes  pour la critique, c'est le rôle de la presse. Ce n'est pas parce qu'on critique que le CSC va intervenir pour dire de ne pas le faire. Il y a eu le cas de la santé du chef de l'Etat et on a voulu nous faire un procès d'intention. On n'a pas dit de ne pas parler de la santé du chef de l'Etat. Mais il ne faut pas parler de choses dont on n'a aucune preuve. En l'espèce, c'était de la spéculation. Il ne faudrait pas que nos médias tombent dans le sensationnalisme. On peut parler du chef de l'Etat comme on veut. Blaise Compaoré ne va pas s'offusquer parce qu'on l'a critiqué. Nous n'avons jamais eu d'intervention du chef de l'Etat dans notre activité quotidienne. On a toujours travaillé avec indépendance. Le conseil encourage la presse à faire un travail critique pour permettre à notre société d'avancer. Mais nous voulons que quand il y a des sujets sensibles on prenne tout le temps de vérifier, de recouper avant de balancer l'information".

Au cours de cet entretien à bâtons rompus avec la rédaction de l'Observateur paalga, le président du CSC a dit qu'en 7 ans d'exercice, la sanction la plus forte qu'il  aie prise est une mise en demeure, aucun organe n'ayant jamais été interdit ou suspendu mais des émissions précises alors que la loi lui donne toute la latitude de le faire en cas de besoin.

D'ailleurs, selon le schéma qu'il a expliqué, les oukazes  du CSC ne sont pas pris au pifomètre et à la tête du client, mais selon un long processus en plusieurs phases.

Et il a ajouté que durant ces 7 ans, il a eu les meilleures relations possibles avec les différents journalistes, qui ont été souvent, selon lui, comme des conseillers. "Je n'aurai jamais réussi cette mission si je n'avais pas bénéficié de leurs conseils, qui m'ont permis d'avancer".

C'est désormais un secret de Polichinelle, même si ce n'est pas encore officiel, Luc Adolphe Tiao sera le prochain ambassadeur du Burkina en France. A la question de savoir pourquoi ça semble traîner et si ça coinçait quelque part, le futur plénipotentiaire a laissé entendre que chaque pays avait ses procédures d'agrément, et qu'il pense que les choses se déroulent normalement.

Luc A. Tiao va donc quitter le CSC au moment où l'un de ses grands projets, la Convention collective des journalistes, a pris l'allure d'un véritable serpent de mer, parce que, semble-t-il,  des patrons de presse traînent les pieds et n'en veulent pas. A ce sujet, voici la réaction de Tiao : "D'abord je tiens à dire toute ma reconnaissance à Edouard Ouédraogo qui, contrairement à ce qu'on a pu entendre parfois, a toujours été partant pour la Convention collective, dont il est l'un des principaux défenseurs depuis le début, car, pour lui, et il a raison, ça sécurise l'employé mais ça rassure aussi l'employeur... Cela dit, je voudrais vous assurer que nous travaillons en équipe, donc je n'ai pas d'inquiétude même si je venais à partir. Je pense que l'équipe va continuer les mêmes chantiers. Ensuite en ce qui concerne la Convention collective, nous sommes presque au bout. C'est vrai, il y a encore des gens qui veulent avoir beaucoup plus de garanties, mais je souhaite que dans les semaines à venir cette Convention puisse être signée. Il y a une nouvelle procédure : jeudi, la commission ad hoc, présidée par Jean-Claude Médah de l'AJB, va être élargie à la SEP pour encore peaufiner le texte. Après, on estime que d'ici quelques semaines, il y  aura un atelier de validation pour qu'on puisse ensuite signer la Convention collective. Nous voulons une convention minimale, si on veut trop, on ne va jamais signer la convention. Toutes les conditions ne seront jamais réunies pour qu'on le fasse, chaque entreprise va évoluer en fonction de sa situation".

On a également parlé de la dépénalisation des délits de presse. Sur ce sujet, le président du CSC s'est dit résolument engagé en faveur d'une telle loi : "Je n'ai pas encore eu des arguments qui me convainquent qu'il faut encore attendre quelques années pour procéder à cette révision des textes relatifs à ce sujet".

Le directeur de publication de l'Observateur paalga, Edouard Ouédraogo, tout en remerciant son hôte pour cette visite d'adieu, que disons-nous d'au revoir, a souhaité que Luc A. Tiao puisse continuer à travailler pour le rayonnement de la presse burkinabè.

 

Agnan Kayorgo

L’Observateur Paalga du 24 avril 2008

 

Encadré Livre d'or

 

"J'éprouve une véritable émotion à l'issue de ma visite à l'Observateur paalga.

L'histoire et l'évolution de ce quotidien sont l'illustration parfaite des péripéties de la liberté de la presse au Burkina Faso. Au nom du Conseil supérieur de la communication, j'adresse toutes mes félicitations et mes encouragements à M. Edouard Ouédraogo et à toute son équipe pour le courage et le professionnalisme avec lesquels ils animent ce quotidien, qui est sans doute l'une des fiertés de notre pays.

Au moment où le quotidien s'apprête à commémorer son 35e anniversaire, nous lui souhaitons encore une longévité.

Je remercie enfin l'équipe du journal pour l'attention qu'elle m'a toujours prêtée.

Je lui suis infiniment reconnaissant d'avoir porté sur ma modeste personne son choix de l'année 2007".

(Ndlr : Nous en avons fait notre "Homme de l'année").




24/04/2008
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