Fora autour du coton
La SOFITEX et les producteurs se disent les vérités
Dans le cadre des forums que la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX) organise chaque mois d’avril avec les producteurs de coton, des équipes de la société cotonnière ont sillonné du 18 au 26 avril derniers de nombreuses localités de l’ouest du pays. Au menu des échanges : la situation de la campagne écoulée et celle à venir.
Après Tiéfora le 17 avril dernier, d’autres localités des régions des Hauts Bassins, des Cascades, et du Sud-Ouest ont reçu du 18 au 26 avril la visite d’équipes de la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX), dans le cadre des fora que la société organise en cette période de l’année avec les producteurs de coton. Il s’agit, entre autres, des localités suivantes : Yendéré, Tiara, Poya, Bondokouy, Wakuy.
Dans ces cités, le message des représentants de la SOFITEX a été fondamentalement le même : la dernière campagne cotonnière a été difficile avec une baisse de la production et du prix d’achat du coton graine ( 145 F CFA/kg pour le 1er choix ) mais il y a aujourd’hui de l’espoir car les tendances des cours du coton sur le marché sont favorables. C’est pourquoi, en plus des ristournes de 10 F pour chaque kilogramme de coton graine acheté cette année aux producteurs des localités visitées, la SOFITEX promet pour la campagne 2008-2009 des prix d’achat plus intéressants. Le prix d’achat au kilogramme est fixé à 165 F CFA pour le premier choix du coton graine. En outre, les producteurs peuvent, selon la SOFITEX, s’attendre à des ristournes d’au moins 15 F CFA sur le kilogramme de coton graine vendu pour la présente campagne. A aussi été expliquée aux producteurs du coton la décision du gouvernement de subventionner à hauteur de 6,5 milliards de francs CFA les intrants afin de maintenir les prix aux mêmes niveaux que ceux de l’année dernière. Ainsi, ils peuvent acquérir le sac de l’engrais composé NPKSB au comptant à 12 150 F, et à crédit à 13 200 F. Le sac d’engrais azoté Urée s’achète à 14 400 F à crédit, et à 13 250 F au comptant. Quant au traitement aux insecticides EC, il se fait au comptant à 4 002 F/ha, et à crédit à 4 342 F/ha. Les émissaires de la Nationale du coton ont exhorté les producteurs à utiliser normalement les intrants afin que l’objectif de 600 000 tonnes de coton cette année soit une réalité.
Les échanges ont permis aux représentants de la SOFITEX de prendre la mesure des préoccupations des opérateurs agricoles et de comprendre les raisons de la baisse de la production cotonnière dans chaque cité sillonnée.
A Yendéré, la migration des producteurs vers la Côte d’Ivoire est, entre autres, citée pour expliquer la chute de la production de l’or blanc dans la zone.
A Tiara, l’on a insisté sur la disponibilité des intrants et sollicité la baisse des coûts des insecticides. A propos justement de l’usage des insecticides, les agents de la SOFITEX ont fait cas de l’apport que va constituer les années à venir la production du coton OGM ( Organisme génétiquement modifié), en ce sens qu’elle permet, par exemple, de réduire de moitié, voire plus, le nombre de traitements du coton contre la mouche blanche.
A Poya, les producteurs n’étaient pas contents du fait qu’ils n’aient pas encore l’argent de leur coton, et ont chargé l’équipe de la SOFITEX conduite par Casimir Tiahoun de le faire savoir aux premiers responsables de la société en leur demandant d’améliorer la situation, sinon c’est la production cotonnière qui risque, ont-ils prévenu, de prendre un sacré coup. Mais de nombreux bras valides de la zone n’ont pas attendu le forum de la SOFITEX pour chercher des solutions à leurs problèmes. Ils ont tout simplement déserté les villages pour les sites orifères, où ils semblent, de l’avis, de certains parents, trouver leur compte.
Le problème des impayés a été aussi l’une des préoccupations soulevées par les producteurs de Bondoukuy qui se sont entretenus ce 22 avril 2008 avec une délégation de la SOFITEX dirigée par Francis Kologho, chef de la région cotonnière de Dédougou. La question des impayés qui s’expliquent ici en partie par des difficultés d’évacuation du coton vers les usines de Dédougou ou de Bobo pourrait peut-être ne plus se reproduire cette campagne avec la mise en place d’une usine d’égrenage à Bondoukuy. Cette usine dont le coût est estimé à 8 milliards de francs CFA a une capacité annuelle d’égrenage de 45 000 tonnes de coton graines.
Les producteurs de Wakuy dans le département de Béréba, eux, n’ont encore la chance de disposer d’une usine d’égrenage pour résoudre les problèmes d’enlèvement du coton. Aussi ont-ils insisté ce 23 avril pour que des solutions soient trouvées à leurs difficultés qui se résument, entre autres, au conditionnement, aux impayés. A toutes ces préoccupations, les agents de la SOFITEX se sont évertués à apporter des éléments de réponses.
Après Wakuy, d’autres localités ont été visitées ou sont en voie de l’être par les agents de la SOFITEX dans le cadre des présents fora. Il s’agit par exemple de Fouzan, Niamberla, et de Kounséni.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au cours des différents échanges, les producteurs de coton et les représentants de la SOFITEX ne se sont pas toujours caressés dans le sens du poil. Ils se sont dit des vérités. Fausse note de ces fora : l’absence des dames, alors qu’elles semblent jouer un rôle important dans le système de production cotonnière aux côtés de leurs époux producteurs.
Cela dit, dans la plupart des localités visitées, certains producteurs semblaient satisfaits et optimistes à l’issue des échanges, promettant de mouiller le maillot pendant la saison hivernales, d’autres, par contre, étaient loin d’afficher une mine radieuse. Ces derniers attendent d’abord de voir.
Grégoire B. BAZIE
Le Pays du 29 avril 2008
ENCADRE
Sentiments de cotonculteurs à l’issue des fora
1- Bamkou Soma, producteur de Yendéré, "Je me relance dans la production"
"L’année passée, je n’ai pas produit de coton à cause de la chute des prix. Mais au vu de ce que j’ai entendu des agents de la SOFITEX aujourd’hui, j’entends me relancer dans la production cotonnière la présente campagne. La production de coton pendant la campagne 2004-2005 m’avait rapporté environ un million de francs CFA. Et c’est avec cet argent que j’ai payé ma moto que vous voyez."
2 - Alphonse Ouattara, cotonculteur de Tiara, "Je suis prudent"
"J’ai été victime des inondations qui ont détruit tout mon champ. Mais comme les années ne sont pas les mêmes, je referai la même chose cette année, c'est-à-dire consacrer un hectare à la culture du coton. J'opte de faire un hectare pour pouvoir faire face aux crédits parce que mes crédits de la dernières campagne ne sont pas encore réglés. Je suis prudent."
3 - Ibrahim Bandé, producteur de Poya, "Nous sommes pour la production mais…"
"Nous sommes pour la production du coton mais il faut que la SOFITEX fasse quelque chose pour améliorer notre situation. On ne peut pas faire le coton et ne pas jouir des fruits de ses efforts. Les prix proposés ne sont pas à la hauteur de nos attentes et il y a le fait que nous ne sommes pas encore payés. C’est pour toutes ces raisons que beaucoup de jeunes ont préféré rejoindre les sites parce que là, certains arrivent à s’en sortir."
4 - Ali Compaoré, producteur de Wakuy, "Tout s’est bien passé"
"Nous sommes contents parce que tout s’est bien passé au cours du forum. Les représentants de la SOFITEX nous ont dit ce qu’ils avaient à nous dire et nous leur avons exprimé nos préoccupations. Après, il y a eu leur réaction à nos préoccupations. Pour ma part, je souhaite vraiment réduire cette campagne la quantité d'intrants dans mon champ."