"L’Amérique, Bretton Woods et moi"(Ernest Paramanga Yonli)

Ernest Paramanga Yonli

"L’Amérique, Bretton Woods et moi"

Voici trois mois que Ernest Paramanga Yonli a atterri à Washington comme ambassadeur du Burkina dans ce pays. De la rue Agostino Neto où il fut pendant près de 7 ans premier ministre au 2340 de l’avenue Massassussets de la capitale américaine, quelle mutation a-t-il subi ? Comment vont les relations USA-BF ? Combien de Burkinabè vivent chez l’oncle Sam ? Sur tous ces sujets, l’enfant de Tansarga se prononce dans cet entretien qu’il nous a accordé dans la matinée du 24 avril 2008.

Excellence monsieur l’ambassadeur, comment vous sentez-vous ici à Washington depuis votre prise de fonction le 22 janvier 2008 ?

Ernest P. Yonli (E.P.Y.) : Merci de me donner cette belle occasion. Je me sens bien ici aux USA. D’abord par l’accueil du gouvernement américain qui a été des plus amicaux et des plus prometteurs par rapport à ce que nous voulons faire ici, à savoir consolider les relations entre nos pays. Nous avons trouvé une communauté burkinabè qui nous a bien reçu et qui a manifesté son intérêt à travailler avec nous et à consolider la tâche accomplie par mon prédécesseur. J’ai aussi été bien accueilli par la communauté diplomatique accréditée à Washington. Et je dois dire que le groupe africain a une bonne organisation, puisque nous tenons régulièrement une réunion tous les mois. Comme vous le constatez, nous avons été bien accueillis à ces trois niveaux, et nous sommes dans un cadre convivial au plan professionnel et sur le plan de la vie tout court.

Quel est le travail d’un ambassadeur africain tel celui du Burkina Faso aux USA ?

E.P.Y. : Le travail d’un ambassadeur, c’est d’abord de remplir sa fonction de représentation : représenter pour ce qui me concerne le président du Faso, incarner le peuple burkinabè et agir au nom du gouvernement du Burkina Faso. C’est ce que je fais avec l’ensemble de mes collaborateurs. Je dois dire que tout cela se passe bien. Nous sommes dans un contexte où le Burkina Faso est un pays de plus en plus visible sur la scène internationale. Cela nous vaut un certain nombre de considérations de la part de nos partenaires américains, mais également de la part des Africains. Le Burkina Faso bénéficie d’une place remarquable et cela facilite la tâche de l’ambassadeur. Les gens viennent à nous pour échanger, s’informer sur des sujets d’intérêt commun, mais souvent qui dépassent le cadre bilatéral USA-BF. Je voudrai donner un exemple : présentement la plupart des discussions que nous avons, que ce soit à la demande du gouvernement américain, ou sur notre initiative, il ne s’est jamais passé un entretien sans que nous ne débordions sur d’autres volets des problèmes africains. Cela est dû au fait que notre président est le président en exercice de la CEDEAO et de l’UEMOA et il est de plus en plus présent sur la scène africaine et internationale, car n’oubliez pas que nous sommes membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous sommes donc un pays écouté.

Comment se passe votre journée qui doit on l’imagine, être totalement différente de celle de la primature ?

E.P.Y. : Les journées ne sont jamais identiques. La journée commence généralement à 9h. (NDLR : 13h GMT) et selon le programme du jour qui est établi un mois à l’avance et précisé une semaine à l’avance, (ici il n’y a pas de place pour l’improvisation), nous accomplissons diverses tâches. Ainsi soit de ma résidence qui est une propriété du Burkina Faso et dont je suis fier, je vais directement au rendez-vous du jour, ou je viens au bureau pour traiter les dossiers, avant de prendre les rendez-vous qui sont programmés. Je fais aussi chaque semaine une réunion avec le staff pour préparer les mois à venir.

En plus du travail quotidien qui est fait de rendez-vous avec l’Administration américaine, il y a des rendez-vous avec les institutions multilatérales notamment avec la Banque mondiale et le FMI. Ce sont principalement ces 3 niveaux qui nous absorbent ici : l’Administration américaine, la Banque mondiale et le FMI. Et avec cette Administration, il y a de nombreuses activités qui sont menées. Cela est la première dimension. La deuxième dimension de nos activités, ce sont avec les deux institutions de Bretton Woods.

En plus des missions ministérielles et techniques qui arrivent ici pour lesquelles l’ambassade et l’ambassadeur doivent organiser, préparer et assister à certaines réunions, il y a d’autres travaux à faire. Et chaque semaine, nous devons intervenir sur un des tableaux que j’ai énumérés. En outre, il faut servir de relais entre l’économique, le social, l’humanitaire... avec tous les acteurs. Nous avons donc des journées chargées.

Quel sens donnez-vous à votre rencontre du 19 avril dernier avec les Burkinabè vivant aux USA ? Et combien sont-ils ?

E.P.Y. : Je pense que ce fut quelque chose d’inédit à écouter les Burkinabè eux-mêmes. Ils ont dit clairement que c’est la première fois que l’ambassadeur rassemble les Burkinabè vivant aux USA, du moins ceux qui étaient en mesure de le faire, car naturellement l’éloignement d’un Etat à un autre a fait que certains ont envoyé des délégations. Ce fut des moments de retrouvailles et de chaleur, nous avons chanté le Ditanyè pour faire vibrer la fibre patriotique et cela a fait beaucoup de sensation à tous les niveaux. Nous avons communié et échangé sur ce que c’est que le Burkina Faso aujourd’hui. C’était important, car il y a des gens qui vivent ici depuis 10, 15 ans et qui ne sont jamais rentrés, il fallait leur dire que le Burkina Faso a changé.

La deuxième chose est de leur dire d’avoir un œil tourné vers le Burkina Faso, donc de vivre ici de façon solidaire et d’avoir de la convivialité entre eux, car si on ne se connaît pas on ne peut pas faire des choses ensemble. Tout s’est bien passé à telle enseigne qu’ils ont demandé l’institutionnalisation de ce genre de rencontre. Nous allons examiner la faisabilité d’une telle doléance.

Vous avez posé une bonne question sur le nombre de nos compatriotes vivant aux USA : nous avons un problème de fond sur ce sujet, car de nombreux Burkinabè qui vivent aux USA ne sont pas immatriculés et ne veulent pas l’être, car ils n’ont pas les papiers nécessaires. Donc nous les estimons à quelques milliers, 3000 à 5000 mais pour ceux qui sont immatriculés il y a un peu plus d’un millier. Une telle rencontre justement avait pour but de les mettre en confiance, pour leur dire que le premier défenseur des Burkinabè aux USA est d’abord l’ambassade qui est là pour les protéger, leur porter secours et les assister en cas de nécessité. Ils ont donc intérêt, papier ou pas papier à se faire connaîttre par l’ambassade, en se faisant immatriculer.

Ont-ils évoqué leurs problèmes quotidiens aux USA ?

E.P.Y. : Tout a fait. La première de leur préoccupation est qu’ils ne se sentent pas surtout soutenus par l’ambassade, et ce fut d’ailleurs le principal problème. Ensuite, il y a les problèmes catégoriels, car il y a des commerçants, des entrepreneurs, des étudiants par exemple qui sont en grand nombre dans le Texas, ce qui n’était pas connu jusqu’à cette AG du 19 avril. On a au moins 200 étudiants dans l’Etat du Texas, c’est une grosse surprise, et nous comptons faire un tour là-bas pour voir ce qu’on peut faire pour eux, pour les immatriculer et savoir comment ils vivent. Car pour les "clandestins", travailler et étudier, ce n’est pas facile. C’est donc une question de vie, voire de survie, car tout le monde n’a pas réussi.

Cela ne fait que 3 mois que vous avez quitté le Burkina, vous suivez néanmoins la conjoncture sociopolitique du Burkina Faso, votre appréciation ?

E.P.Y. : (Rires) : Naturellement. D’abord je suis en contact avec le pays. Aujourd’hui avec le Net et les journaux qui s’y trouvent, on sait pratiquement tout ce qui se passe au pays. Je félicite d’ailleurs les journaux burkinabè, qui sont sur le Net (l’Obs., Le Pays, Sidwaya, les Hebdo...) Il y a aussi l’information officielle, et nous travaillons au quotidien pour servir de relais entre les gouvernements américain et burkinabè, et les autres acteurs. Et puis je viens de rentrer du pays. J’y ai séjourné du 14 au 26 mars et donc j’ai pu prendre le poul de la Nation, une Nation qui fonce malgré les difficultés. Et c’est cela qui fait le Burkinabè, notre courage légendaire et notre sens de la tolérance feront dissiper les périls qui sont devant vous.

Vous avez remplacé Tertius Zongo ici à Washington qui vous a remplacé au pays à la Primature. Vous consultez-vous régulièrement ?

E.P.Y. : Oui, il m’a précédé ici et je l’ai précédé au Premier ministère. Je dois d’abord dire que nous sommes de bons amis. Nous avons travaillé ensemble, il y a au moins dix ans comme ministres sous le gouvernement de Kadré Désiré Ouédraogo. Nous nous connaissons bien avant d’arriver au gouvernement, donc nos relations ne datent pas de maintenant. Nous nous téléphonons régulièrement aussi, mais pas pour parler uniquement des affaires de l’Etat, mais on se téléphone pour échanger simplement, et naturellement, on se donne des conseils, des avis et je fais pareil. Nous avons donc, Tertius et moi des contacts sains, positifs aussi bien pour le pays que pour chacun d’entre-nous dans les fonctions respectives que nous occupons.

Interview réalisée à Washington DC par

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga du 5 mai 2008



06/05/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 26 autres membres