Le Messie Kouyaté crucifié
Guinée
Le Messie Kouyaté crucifié
Fana Soumah, le journaliste de
Puis, il passa à l'Agenda de l'encore Premier ministre, Lansana Kouyaté, qui a reçu en audience le Secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires politiques, Hailé Menkerios ; et inauguré de nombreux monuments. Comme si de rien n'était.
Kouyaté savait-il à ce moment-là que son sort était scellé ? En tout cas, le 3e élément du J.T. a été la lecture du décret présidentiel le limogeant et le remplaçant dans la foulée par Ahmed Tidjana Souaré.
Ça y est donc ! Ce que l'on redoutait est survenu, car à vrai dire, Lansana Kouyaté était depuis quelques mois déjà en sursis à la primature. Et même dès sa nomination en février 2007, suite aux injonctions des syndicats et de la rue.
Les clash entre la présidence et la primature ont débuté sitôt Kouyaté installé : le chef de l'Etat a d'abord attendu trois mois pour signer le décret de restructuration des cabinets ministériels. En effet, si le Premier ministre est doté de prérogatives spéciales (une première en Guinée) lui permettant de nommer les ministres, les sous-préfets et les directeurs, la décision finale revient à Lansana Conté.
Et celui qui affirme n'avoir peur que de deux choses : "Dieu et le tonnerre", ne manque pas de rappeler à Kouyaté que le maître, c'est lui. Un jour il le convoque au camp Sékou Toureya pour le sermonner, un autre jour ce sont des actions du Premier ministre qui sont purement et simplement remises en cause.
Cette guéguerre feutrée, puis frontale a atteint son paroxysme le 8 janvier 2008, après le limogeage du ministre de
Il faut reconnaître qu'au-delà de l'ostracisme de Conté, fermé à toute critique, il y a le fait aussi que Lansana Kouyaté s'était mis dans les habits d'un futur candidat à la présidence.
En tout cas, son comportement n'était pas sans rappeler un certain Charles Konan Banny, qui avait, lui aussi, été imposé à Laurent Gbagbo par la communauté internationale. Pour certains analystes politiques, Kouyaté lorgnait le fauteuil présidentiel, ce qui, du reste, est légitime, lorsqu'on a atteint ce niveau de responsabilités. Mais sous nos tropiques, surtout dans
Ce départ de Kouyaté est donc un non-événement pour celui qui tient le gouvernail de
En renvoyant le Premier ministre de consensus, en le crucifiant ainsi, Conté met également fin à la relative accalmie qui régnait en Guinée et au modus vivendi qui prévalait entre le gouvernement et les syndicats. Avec Kouyaté, les syndicats avaient exigé et obtenu que les ministres soient des hommes neufs, qui n'ont pas eu, par le passé, à exercer cette charge. C'est pourquoi d'ailleurs l'ex-Premier ministre avait mal digéré le remplacement de son ministre de
Or, à écouter le nouveau Premier ministre, on a la vague impression qu'il ne pourra pas rejeter certains ministres, qui seront imposés par son maître, pire : il n'est pas évident qu'il pourra mieux faire que son devancier immédiat.
D'abord il se refuse à toute comparaison avec Kouyaté et déclare vouloir "s'atteler aux chantiers chers aux Guinéens". Il dit par ailleurs vouloir poursuivre le changement, en lui donnant un contenu".
Problème : le pourra-t-il avec un chef comme Lansana Conté ? Quels changements peut-il opérer si la réalité du pouvoir est à Sékou Toureya ou à Wawa (2) ?
Exemple : que fera-t-il des audits diligentés par les cabinets privés sur initiative de Kouyaté ? Des audits qui, soit dit en passant, ont révélé des malversations financières imputables au régime Conté. Certains pensent même que ce sont ces investigations qui ont précipité le renvoi de Kouyaté. Ces audits, d'ailleurs, à entendre Ahmed Tidjane Souaré, "ne sont pas une priorité pour un pays... d'ailleurs, il n'y a qu'en Guinée qu'on voit cela" (3). Est-ce à dire qu'il va y mettre un terme ?
La seule certitude, c'est qu'il n'est pas un chef de gouvernement de consensus, c'est l'homme de Conté, et, à ce titre, il débute avec des préjugés défavorables. Il a beau prétendre qu'il veut "combler le fossé entre l'Administration et les Guinéens, et entre les élites", il est évident que cela est plus facile à dire qu'à faire.
L'économie guinéenne est sous perfusion depuis des lustres, la vie chère est une réalité depuis des années au pays de Sékou Touré : à titre illustratif, le sac de riz de
Autant dire que l'équipe d'Ahmed Tidjane Souaré est attendue au tournant par Rabiatou Serah Diallo et Ibrahim Fofana, secrétaires généraux respectivement de
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga du 22 mai 2008
Notes ;
(1) Conté pousse-t-il Kouyaté vers la sortie ? in l'Observateur paalga du 9 avril 2008.
(2) Depuis le coup d'Etat manqué en février 96, Conté vit entre le camp militaire de Sékou Toureya et son village, Wawa, à une quarantaine de km de Conakry.
(3) Sur RFI au journal de 6h30, édition Afrique du 21 mai 2008.