LE NAUFRAGE
Seulement des ruines. C’est un naufrage dont il ne reste surtout pas grand-chose du grand élan éthique qui avait accompagné la révolution burkinabè d’août 1983, sans doute la plus belle chose qui soit jamais arrivée à ce pays. Au Burkina Faso, l’éthique de la révolution a péri sous son propre train : ceux-là mêmes qui l’avaient lancée lui ont fait faire marche arrière. Il faut souligner que l’effondrement du pouvoir révolutionnaire a coïncidé avec une tendance de plus en plus forte à la substitution de l’individualisme à la solidarité dans le monde entier. Et le Burkina Faso de l’époque n’était pas épargné.
La révolution d’août 1983 des capitaines du Burkina Faso s’était fixé des buts comme la justice sociale, la distribution des richesses, la prospérité, l’éducation, la santé, etc.
De la santé. Sous la révolution, la santé pour tous avait un contenu et était vécue comme une réalité sur le terrain. L’on se souvient des fameux Poste de Santé Primaire « PSP » qui étaient financés grâce aux fameux aux Efforts Populaires d’Investissement (EPI). Grâce à cette politique sanitaire, le plus petit hameau du Burkina disposait de sa case de santé. Ainsi donc, en toute saison, à toute heure du jour ou de la nuit, le paysan pouvait recevoir des soins primaires sans faire de longs déplacements. L’agent de santé ainsi que l’accoucheuse du village appartenaient à la communauté qui les avait désignés. Mieux, ces agents communautaires jouaient également le rôle d’animateur sanitaire au sein de leurs communautés. Et cela marchait.
De l’éducation. A ce niveau, les révolutionnaires avaient un but : Combattre l’ignorance des masses. Et ils y mettaient les moyens, politiques surtout. Et ça marchait.
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, en matière de santé, c’est le naufrage malgré « les efforts du gouvernement ». Aujourd’hui, les cases de santé villageoise ont presque disparu. En lieu et place, des bunkers ont vu le jour. Seulement, très pauvres, les populations évitent de fréquenter ces centres. Quand à l’éducation, nous sommes dans le rouge, malgré toujours « les efforts du gouvernement ».
Et pourtant, ce n’est pas ce qui était promis aux populations lorsque le capitaine Compaoré neutralisait la révolution pour ensuite l’envelopper d’un vernis démocratique. Lorsque les révolutionnaires prenaient le pouvoir en 1983, ils avaient peut-être imaginé une chose. Ils avaient peut-être imaginé qu’en vingt ans, ils auraient fait des burkinabè, un peuple à situation enviable. Mais hélas ! De même en prenant le pouvoir en 1987, le capitaine Blaise Compaoré aurait tout imaginé, sauf que, vingt ans après son peuple vivrait une situation pareille. Les riches d’aujourd’hui engendrés par son système sont plus riches que ceux qu’il vilipendait en 1983 et les pauvres, plus pauvres. Il y a naufrage. La corruption est importante. Les citoyens se laissent convaincre que des décisions de justice peuvent être vendues et être achetées. Il y a naufrage. Et contre ce naufrage, il faut proposer autre chose.
Mais malheureusement, le parti qui soutient le chef de l’Etat à savoir le CDP n’est pas un parti de proposition d’autre chose. En effet, à regarder la conception du CDP, à observer les acteurs qui le composent, ce parti est conçu pour se débarrasser de ceux qui veulent proposer autre chose. Certes, il n’est pas facile de descendre du train du pouvoir, mais il faut savoir le faire, surtout quand, scrutin après scrutin, l’on conduit son pays au naufrage. Car, quoiqu’on dise, une démocratie au rabais influe sur le développement économique. Pourquoi ? Parce que de nos jours au Burkina, il y’a comme une sorte d’indifférence générale des populations envers tout ce qui touche à la démocratie puisqu’elles n’y croient plus. Cette attitude des Burkinabé tient à toute une série de facteurs dont la principale est la prise de conscience du fait que les dirigeants n’agissent que dans leur intérêt personnel et pour rester le plus longtemps au pouvoir. Prenez sois d’observer le discours de ceux qui ont peur du changement. Il disent à temps « regardons autour de nous, c’est le feu. Nous, nous avons la chance d’avoir la paix avec Blaise Compaoré faisons en sorte que… » Et pourtant, celui qui tient ce discours habite dans une zone résidentielle interdite aux gueux. Sa demeure est une forteresse gardée par un vigile avec à l’intérieur un « chien méchant ». Malgré tout, il a peur du changement, le vrai, catalyseur de toutes les énergies pour un vrai développement. Ces gens dégoûtent le peuple qui ne participe aux élections que pour picorer ce qu’il pense lui avoir été volé. Voilà pourquoi, le chemin du décollage économique nous paraît impossible.
Et voilà pourquoi également quand, pour une des rares fois, le peuple entend un autre langage, il se demande si son auteur ne vient pas d’une autre planète. C’est le cas avec l’actuel Premier ministre Tertus Zongo qui a un langage, que l’on que l’on peut qualifier de « révolutionnaire » par ces temps qui courent. « Il n’est pas normal que »,« Il est inadmissible que», « Nous ne pouvons pas toujours tolérer… », « Cela doit prendre fin …» On croit rêver. Combien de fois a-t-on entendu Blaise Compaoré tenir des propos du genre, à fortiori son Premier ministre ? On croit rêver. Et pourtant, c’est la réalité. Tertus Zongo, actuel Premier ministre de Blaise Compaoré marque par son langage les consciences populaires. Car à analyser les propos de l’actuel Premier ministre qui tranche d’avec ses prédécesseurs, ses propos s’éloignent de ceux des dirigeants qui n’agissent que pour leurs intérêts ou pour rester longtemps au pouvoir. Si l’homme Tertus avait les mains libres, s’il avait les moyens de sa politique, convaincu et décidé qu’il semble être, l’espoir était permis que cet analphabète politique, avant de quitter aurait eu le mérite de secouer le cocotier et le débarrasser de certaines vieilles noix nuisibles à son équilibre. Mais hélas, comme l’a si bien dit un cacique du comme l’a si bien dit un cacique du régime en place, Tertus peut bien boire le lait, mais quand à compter les vaux…