Léger réajustement ministériel : Salif Diallo, quand ça frappe le fidèle des fidèles...

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Blaise Compaoré et Salif Diallo

Pour une surprise, c’en est une : Salif Diallo quitte le gouvernement de Tertius Zongo, quelque 10 mois après sa formation. Le départ du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques se susurrait depuis déjà bien longtemps.

En effet, depuis quelques mois, une avalanche de rumeurs laissait entendre que Salif Diallo pourrait être débarqué très prochainement du gouvernement. Et rendons à César ce qui est à César pour reconnaître que notre confrère l’Evénement, qui détenait sans doute le bon tuyau, avait situé le probable départ de Salif du gouvernement aux lendemains de la célébration de la Journée nationale du paysan, dont il était la cheville ouvrière.

Certes, cette manifestation est passée depuis le 26 janvier dernier, mais c’est au lendemain d’une autre manifestation d’envergure nationale, le lancement à Bourzanga du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement, que Tertius Zongo, avec le quitus de Blaise Compaoré, a choisi de débarquer Salif Diallo.

A Bourzanga, c’est le chef du gouvernement qui a assuré le lancement du Programme et nous avons pu voir Salif Diallo et Tertius Zongo assis côte-à-côte, peut-être par convenance protocolaire, mais assurément, ils ne regardaient plus dans la même direction ; même si on les a vus bavarder et rigoler ensemble comme le font les politiciens. Est-ce à dire que, déjà, Salif Diallo était au parfum de l’imminence de la signature du décret présidentiel qui le renverrait du gouvernement ?

C’est possible, car en 20 ans passés dans les arcanes du pouvoir, cet homme politique redoutable et travailleur infatigable a su se faire une véritable carapace pour pouvoir encaisser les coups durs. Et Dieu seul sait combien il en a reçu à ce jour !

Toujours est-il que dimanche, jour de Pâques, au journal télévisé du soir, à quelques heures de son décagnotage officiel du gouvernement, il était l’invité de notre confrère Alfred Nikiéma de la TNB pour parler de ce vaste programme d’approvisionnement en eau potable, qui nécessitera environ 550 milliards.

Là encore, rien dans l’attitude de Salif Diallo ne laissait transparaître qu’il passait ainsi pour la dernière fois au petit écran en tant que ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques de l’équipe Tertius I.

Depuis déjà longtemps, comme nous l’avons souligné, on disait Salif Diallo partant et il est parti. Un jour de Pâques, ce qui est certainement loin d’être un jour choisi au hasard par l’évangéliste Tertius Zongo.

Peut-être bien que les prochaines heures, voire les jours à venir nous situeront davantage sur les raisons de ce départ du gouvernement de ce dinosaure de la scène politique nationale. En attendant, nous ne pourrons nous priver d’émettre au moins des hypothèses sur cette éviction à peine voilée.

1. Ses relations difficiles avec François ?

L’Observateur est l’un des rares journaux, sinon le seul à avoir eu le privilège d’interviewer par deux fois François Compaoré, conseiller économique et frère cadet du Président Compaoré. Si lors de la première interview, en 1998, personne ne parlait de la brouille entre François et Salif - et part conséquent une telle question était hors de saison - lors du second entretien que nous avons réalisé dans ses bureaux, sis au Conseil de l’Entente, nous avons expressément posé une question sur cette brouille à François Compaoré.

"Il n’en est rien", nous a-t-il confié, "même ce matin, nous avons communiqué au téléphone". De son côté, Salif, tout en reconnaissant du bout des lèvres que ses relations avec François n’étaient pas au beau fixe, s’est rarement prononcé ouvertement sur la question.

Mais toujours est-il que par personnes interposées, ces deux proches collaborateurs du Président Compaoré ont eu à s’affronter lors des municipales de 2006 et des législatives de 2007 à Gourcy dans le Zondoma.

Dans cette querelle au sommet, Salif passait pour être le soutien actif de son oncle Issouf Baba Mandé, qui, lui, restait un ennemi juré de Tahéré Ouédraogo, mari d’Alizeta Gando et beau-père de François Compaoré. Jusqu’à la mort d’Issouf Mandé, les relations n’ont vraiment jamais été cordiales entre ces hommes. Cela et sans doute autres choses ont contribué à ternir les relations entre Salif Diallo et François Compaoré.

2. Les relations difficiles avec Tertius ?

C’est presque un secret de polichinelle que de dire que Tertius Zongo et Salif Diallo ne sont pas de grands amis. Et il nous est revenu qu’il y a de cela quelques mois, Tertius Zongo, qui tient à marquer de son empreinte la marche gouvernementale, n’avait pas manqué l’occasion, en plein conseil des ministres de faire la mise au point suivante : "Ici, il n’y a pas de superministre et s’il y en a un, c’est moi".

Si effectivement cette mise au point a été faite, elle n’a pu s’adresser ni à une Pascaline Tamini de l’Action sociale ni à un Boukary Maïga du ministère délégué à l’Agriculture.

Sans le dire nommément, Tertius s’adressait, dit-on, à Salif Diallo qui, en homme intelligent, aurait compris le message.

Lors de l’émission Tapis d’honneur de la Radio nationale, dont il était l’invité, Salif Diallo, en guise de réplique, n’avait pas manqué l’occasion de faire prévaloir l’esprit d’indépendance qui l’anime. En effet, pour le désormais ex-ministre d’Etat, le Premier ministre est son supérieur hiérarchique et il se conforme à cette règle. Cependant, il dit n’être pas un ministre servile, prêt à faire allégeance à qui que ce soit... il n’est pas "un yes man", cette sorte de béni oui-oui.

Ce qui est clair, contrairement à ses rapports avec Paramanga, copain, camarade de lycée et plus tard allié à lui dans l’ODP/MT puis au CDP, les relations de Salif avec Tertius Zongo sont celles de supérieur hiérarchique à collaborateur. Sans plus, certainement.

3. Sa maladie ?

On se souvient tous que Salif Diallo, à force de travail, avait dû être évacué en France pour des soins. Depuis, il n’est vraiment pas au mieux de sa forme. Alors, est-ce cela qui l’a fait partir du gouvernement ?

Difficile d’accréditer cette thèse si l’on sait que Salif n’est pas tombé malade de suite. Pis est, la confiance en soi pour rester à son poste, qui se dégageait de Salif Diallo, semblait dire que l’homme conservait toujours une bonne partie de ses potentialités physiques.

Mieux, si c’était le facteur santé qui avait été pris en compte pour le congédier du gouvernement, ç’aurait été fait au moins au détour d’un semblant de remaniement ministériel et avec la manière, c’est-à-dire en lui trouvant un point de chute avant de prendre cette décision.

4. Ses relations avec Blaise ?

De mémoire d’homme de médias, rares sont les civiles qui ont œuvré à asseoir le régime Compaoré comme l’a fait Salif Diallo. Depuis 20 ans, l’homme est au charbon et il est resté jusque-là un inconditionnel du Président Compaoré.

Salif, qui ne fait pas dans la langue de bois, disait ceci : "Je ne suis pas candidat au palais de Kossyam ni aujourd’hui ni demain parce que pour moi, ce qui compte, c’est la dynamique collective, ce n’est pas l’équation personnelle".

C’est peu dire que d’affirmer que Salif n’avait pas les meilleures relations avec François. Et pour certains, il faut s’appeler Salif Diallo pour entretenir de telles relations et rester au gouvernement.

Alors dans ce conflit larvé entre Salif et François, Blaise Compaoré a-t-il définitivement pris parti pour son cadet ? Les prochains jours nous le diront.

5. Salif parti de lui-même ?

Avec ce départ de Salif et cette arrivée inattendue de la députée Cécile Beloum au gouvernement, on aurait pu penser que c’est Salif qui a décidé de son propre chef de larguer les amarres.

Parce que d’abord Cécile Beloum est l’une de ses protégées ; mais Cécile Beloum, dont on n’ignore pas les accointances avec Salif, est-elle allée au gouvernement avec la bénédiction de ce dernier ou par la volonté du grand Manitou de les diviser ?

Car, généralement, lorsqu’on congédie quelqu’un, ses fidèles aussi tombent en disgrâce, ce qui ne semble pas être le cas de Cécile Beloum. Parce que tout comme Salif, Cécile est du Yatenga. Cela peut nous paraître surprenant que Salif ait décidé de partir de son gré, vu la manière dont son départ a été annoncé.

Sous nos tropiques, lorsqu’un homme de sa trempe quitte de cette façon le pouvoir, cela peut être synonyme de chute aux yeux de la population. Alors que Salif, qui mène un combat politiquement mortel au Yatenga, avait tant besoin de sa position de ministre, voire de superministre pour réussir.

6. Querelles au CDP ?

Salif Diallo ne laisse personne indifférent. S’il est loué par nombre de partisans, ses contempteurs aussi n’en restent pas moins nombreux. En effet, au sein de son parti, pour certains, il est à l’origine de la chute de tel ou tel homme politique.

Pour d’autres, c’est lui qui empêche tel autre d’émerger. Au sein du CDP, où il occupe le poste de vice-président, certains ne voyaient plus d’un bon œil son maintien prolongé au gouvernement. Alors, est-il victime de la lutte au sommet du parti ? Peut-être.

Salif reste avant tout un homme et comme tout homme, il fait des erreurs, mais quoiqu’on dise, un homme politique aura rarement illustré à l’envie l’expression "aller au charbon".

Bravant les hostilités parfois au détriment de sa santé, il est toujours allé à la rencontre de ces valeureux paysans pour leur apporter le soutien et tout le réconfort qu’ils méritent. Mieux que cela, dans les différents départements ministériels où il est passé, il a laissé ses marques, faites de rigueur, de travail acharné. Et ce n’est certainement pas le monde rural qui dira le contraire.

Boureima Diallo

L’Observateur



26/03/2008
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