Lotissements à Zorgho : Un brouillard à couper au couteau

Lotissements à Zorgho

Un brouillard à couper au couteau

L’attribution des parcelles dans la province du Ganzourgou et particulièrement à Zorgho fait actuellement des gorges chaudes. Des tripatouillages opérés par des éléments de la division fiscale ont fait des mécontents dans la région. Le jeudi 4 septembre 2008, la population a manifesté son ras-le-bol à travers une marche de protestation. Ils ont remis à l’occasion, une déclaration au tout nouveau haut-commissaire, Laurent Kondombo. Dans cette affaire de parcelles, nous avons approché différentes personnes, dont le naba Sanem, chef de Zorgho, qui, du reste, a levé le lièvre avant de le laisser traquer par ses sujets.

Partie du Centre de lecture et d’animation culturelle (CLAC) de Zorgho autour de 9h, la foule de manifestants scandait des slogans hostiles à ceux-là qu’elle estime être à l’origine des problèmes de parcelles dans le Ganzourgou. Des propos véhéments qui rappellent étrangement ceux qu’on avait l’habitude d’entendre pendant les marches-meetings de la période révolutionnaire.

« Ce n’est pas un mariage, c’est pour une cause juste que nous marchons ». « Nous marchons contre les vendeurs de parcelles ». « Nous voulons voir les voleurs des parcelles ».Une chanson fétiche de l’artiste Sana Bob, « Yél ka yé, yél wayan » (1), sur tout le parcours est reprise en chœur par les marcheurs, qui avaient pour destination la division fiscale.

A leur arrivée, les frondeurs ont trouvé les portes du service closes, ce qui provoqua chez certains un accès de colère, heureusement vite contenu. Les personnes incriminées seraient allées se constituer prisonniers à la police par crainte de la vindicte populaire. Les manifestants se résolurent alors à prendre leur mal en patience pour attendre le haut-commissaire, à qui une déclaration devait être remise. Parvenu dare-dare sur les lieux à bord de sa FORD RANGER 4X4 de service, nouvellement acquise, celui-ci, sagement, a prêté une oreille très attentive au délégué des marcheurs, Alfred Kaboré.

Que toute la lumière soit faite

Dans la déclaration lue au nom de la population du Ganzourgou et de Zorgho en particulier, monsieur Kaboré a indiqué que beaucoup d’habitants sont victimes d’escroquerie criarde et tiennent à le faire savoir, d’où la marche sur le service des domaines. Le nœud du problème, c’est la vente des parcelles, le morcellement pour vente des réserves d’intérêt public telles que l’aire de jeux du lot 2 section BC, les doubles attributions dans lesdites réserves, la délivrance de quittances parallèles.

Les victimes exigent que la lumière soit faite sur la gestion domaniale de la commune de Zorgho et de Sapaga. Elles demandent également que les autorités de tutelle prennent leurs responsabilités afin de permettre la manifestation de la vérité sur ce « scandale » et que les hauts responsables de l’Etat en soient informés.

L’auteur principal des fraudes serait un récidiviste notoire et la population réclame pour lui et ses acolytes des poursuites et des sanctions à la hauteur de leur forfait. Certaines des personnes suspectées seraient sur le point d’être mutées et les mécontents de Zorgho exigent que les affectations soient suspendues jusqu’à nouvel ordre.

Les victimes réclament leurs droits

Le haut-commissaire a loué la sagesse des manifestants. Ils ont fait une marche pacifique, dira-t-il, qui honore les Zorgholais. L’affaire des parcelles est suivie de près par l’autorité, et Laurent Kondombo, qui vient de prendre fonction dans le Ganzourgou, indique que le dossier, qui est dans les mains de la Justice, trouvera des solutions idoines. Ils sont nombreux ceux qui, comme Joachim Kaboré, ressortissant de Zorgho et membre de la famille royale, réclament à cor et à cri un éclaircissement de la situation des parcelles dans la capitale du warba (2). Pour monsieur Kaboré, le premier responsable de la province, ayant reçu la déclaration des insatisfaits, se doit de faire diligence et tout mettre en œuvre avec les services compétents pour que les coupables soient démasqués et punis conformément à la loi.

Le chef de Zorgho, entouré de ses notables, a expliqué, preuve à l’appui, la trame de l’affaire dans la commune. Tout serait parti d’une vente de parcelle appartenant à Joanny Kaboré, son frère, à un habitant de Zorgho, Dieudonné Kaboré. Au centre du problème, un élément de la division fiscale de Zorgho, Sibiri Traoré, déjà mouillé dans une affaire similaire en 2004. Avec l’ex-maire François-Xavier Kaboré, il a séjourné en prison.

Le naba Sanem, qui s’est saisi de l’affaire, a remué ciel et terre pour réunir les preuves des machinations du sieur Traoré et de ses affidés. Dans un ton humoristique, il s’arroge d’ailleurs le titre de consultant en détective privé, avec des honoraires d’un montant de 3 millions de FCFA. Le débat sur cette histoire, rocambolesque à tout point de vue, était donc lancé et, jour après jour, le nombre de ceux qui ont été roulés dans la farine allait crescendo.

Un dossier complexe

Dans une correspondance adressée au chef coutumier pour lui demander sa clémence, Sibiri Traoré reconnaît avoir vendu des parcelles à des tierces personnes et a pris l’engagement de rembourser les intéressés jusqu’au dernier centime. Des paroles en l’air, puisque jusqu’à présent des acheteurs attendent toujours de rentrer dans leur fonds. Si Désiré Kaboré et Yamwèba Issaka, tous deux de Zorgho, qui ont été grugés, sont parvenus à récupérer leur argent, tel n’est pas le cas de bien d’autres, qui attendent toujours que justice soit faite.

Excédée, la population a donc décidé de la marche de jeudi dernier pour manifester son agacement. Pour le dignitaire de Zorgho, monsieur Traoré a exploité l’ignorance de ses sujets et aujourd’hui il est impérieux qu’il réponde de ses actes devant les juridictions.

Edouard Balkoulga, maire de la commune, pour sa part, rappelle que c’est parce que le dossier des lotissements dans le Ganzourgou est complexe que le mandat de son prédécesseur à la tête de la mairie n’a pas été conduit à terme. Ayant hérité du fameux dossier, il a cherché à voir clair dans l’affaire, mais c’est le brouillard jusqu’à nos jours.

Pour lui, la résolution du problème réside dans la manifestation de la vérité. Après les conclusions de la Justice, il est peut-être indiqué de demander un audit pour trouver des solutions durables. En attendant, le maire invite les uns et les autres à toujours vérifier auprès de ses services l’authenticité de leur titre foncier avant tout investissement.

Le principal accusé fait confiance à la Justice

Guibila Pierre Augustin, chef de la division fiscale de Zorgho, informé de l’implication de son agent dans l’affaire de la vente des parcelles, a demandé une lettre d’explication à l’intéressé. Ladite lettre a, par la suite, été transmise aux supérieurs hiérarchiques, qui ont diligenté une enquête. L’inspection générale des services de la Direction générale des impôts (DGI) a fait le déplacement pour compulser les documents et rencontrer les différentes parties prenantes.

Au regard du procès-verbal, qui sera déposé au niveau de la DGI, des mesures pourront alors être prises en temps opportun. Sibiri Traoré, le principal concerné, que nous avons approché après avoir rencontré son patron, s’est montré peu prolixe, se contentant tout simplement d’affirmer faire confiance à la gendarmerie qui mène l’enquête et à la Justice qui va trancher.

L’ex-maire, François-Xavier Kaboré, dont nous avons sollicité le son de cloche, n’a pas daigné piper mot sur ce qu’il sait de l’affaire des parcelles dans la commune, qu’il a dirigée pendant un temps avant d’aller en prison. Pour lui, le dossier est en Justice et il se réserve le droit de ne pas en parler. A Zorgho, tout le monde se demande à quand le dénouement de l’histoire. Affaire donc à suivre.

D. Evariste Ouédraogo

L’Observateur Paalga du 8 septembre 2008

Notes :

(1) En langue nationale mooré, adage pour signifier que soutenir que tout va bien, c’est le début des ennuis

(2) Danse populaire de l’ethnie majoritaire, les Mossé




09/09/2008
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