Luc Adolphe Tiao, président du CSC
"En finir avec le mégotage dans la presse"
Le président du Conseil supérieur de la communication (CSC), Luc Adolphe Tiao, a rendu visite aux Editions "Le Pays" le 7 avril
C'est votre deuxième visite au sein des Editions "Le Pays". Peut-on en savoir l'objet ?
Je suis venu traduire la reconnaissance du CSC à votre journal. A travers vos écrits et vos critiques à notre endroit, vous nous avez amenés à améliorer notre travail au quotidien et à prendre davantage en compte les préoccupations des journalistes. Nous sommes là donc pour vous remercier pour votre probité intellectuelle. Vous avez une entreprise crédible avec des journalistes professionnels qui font du bon travail. Nous pensons que l'ère du mégotage dans les médias est terminée. Les journaux doivent évoluer vers de véritables entreprises de presse. Nous les accompagnons à travers la signature de la convention collective et la mise en place de la carte de presse afin de préserver la profession. Il faut que cette tradition dont nous avons hérité des pères fondateurs du journalisme, demeure. C'est un métier qui est essentiel à la démocratie et au développement de notre pays. On ne peut pas venir à ce métier avec l'intention de s'enrichir rapidement. C'est à cela que nous oeuvrons. Nous sommes ouverts à la critique. Le CSC n'est pas une institution parfaite. Et nous devons poser des actes qui vont dans le sens de vos attentes.
Mais ces derniers temps, nous avons quelques soucis avec la presse. Elle doit aider à renforcer les acquis de notre pays tout en faisant des critiques. Nous apprécions positivement la presse burkinabè et surtout votre journal. Il nous est arrivé d'épingler "Le Pays" mais souvent, c'est plus le fait d'intervention extérieure dans vos colonnes (NDLR: publication de déclaration d'un parti politique). Nous vous félicitons de la retenue que vous avez eue par rapport aux questions brûlantes d'actualité au Burkina Faso. A ce sujet, le CSC a épinglé un certain nombre de journaux par rapport au traitement de l'information relative à la santé du chef de l'Etat et la manière dont certaines informations ont été traitées sur la vie chère. L'objectif du CSC n'était pas de censurer les médias, ni d'empêcher la presse de parler de la santé du président ou encore moins de parler de la vie chère. Vous savez que personne ne souhaite qu'on parle de sa maladie. C'est une question très délicate et donc, si on veut en parler, il faut prendre toutes les précautions d'usage afin de s'assurer que l'information qu'on diffuse est vraie. C'est dommage que certains journaux se soient livrés à de la spéculation sur le sujet. Le CSC tient donc à préciser que c'est la manière dont le sujet a été traité qu'il a dénoncée et non le fait de parler de la maladie du chef de l'Etat. Lorsqu'on aborde des sujets aussi sensibles, il faut recouper les informations même s'il s'agit d'un citoyen lambda.
Ces derniers temps également nous avons constaté que certains journaux s'attaquent à des sujets touchant à l'unité nationale. Il n'y a pas de peuple qui vive dans une harmonie totale. Même dans les pays qui ont une longue tradition de nation comme
C'est une visite d'au revoir ? On parle de votre nomination comme ambassadeur à Paris
Non. Cette visite était programmée depuis longtemps. Quant à la nomination, il se pourrait effectivement que je ne sois plus des vôtres. En la matière, je vous demande donc d'être patient.
On n'a pas très bien compris dans votre dernier communiqué le lien entre les faits récriminés et la dépénalisation des délits de presse...
Vous savez que nous travaillons avec les décideurs . Nous menons le plaidoyer en faveur de la dépénalisation des délits de presse. Il ne faut pas que des écrits comme nous avons pu le voir ces derniers temps viennent conforter les positions de ceux qui sont contre la dépénalisation. Le CSC va continuer de se battre pour cet objectif. Ce que je peux dire, c'est que le gouvernement y est favorable. Mais c'est du donnant-donnant ; il faut que les journalistes fassent preuve de responsabilité. Je suis souvent interpellé par des citoyens et même par certaines personnalités politiques. Il ne faut pas que par notre façon de travailler, nous découragions ceux qui, à l'Assemblée ou au sein du gouvernement, sont avec nous pour la dépénalisation.
A quand la convention collective? Les informations font état du fait que les patrons sont contre.
En principe, la convention aurait dû être signée déjà. Mais certains patrons de presse, à quelques jours de la signature, ont effectivement demandé un délai de réflexion. Et comme ce n'est pas une course de vitesse, nous avons accepté ce report. La signature est prévue pour la dernière semaine du mois d'avril. Sur la question, nous allons rencontrer les patrons de presse la semaine prochaine pour finaliser le projet. Sur ce sujet, je peux témoigner que votre directeur a toujours été partant pour la convention. Et cela est très encourageant. Je voudrais cependant préciser que la convention n'est qu'un début. Tout ce qui est écrit se fera progressivement.
On a eu l'impression que vous vouliez mettre la pression sur tout le monde dans votre dernier communiqué. Pourquoi n'avoir pas audité les organes incriminés et les auditionner nommément comme d'habitude ?
Vous faites bien de poser la question. C'est ce que j'ai dit en début d'entretien. Le CSC n'est pas infaillible. Nous n'avons effectivement pas auditionné les organes visés. On vous le concède. Dans la forme vous avez raison, mais ce que nous avons dit est vrai dans le fond. L'erreur que nous avons faite est de n'avoir pas auditionné chaque organe. C'était dans la précipitation. Mais sachez que nous ne sommes pas tenus à l'audition préalabe. Nous tirons donc leçon du fait que les journalistes préfèrent être entendus avant d'être sanctionnés. Avant d'auditionner un journal, l'article incriminé est passé au scanner. Il fait l'objet d'une note d'étude. Dans le cas qui nous concerne, la note d'étude était claire : il y avait des manquements graves à telle enseigne que l'audition n'était plus obligatoire. C'est une approche méthodologique qui n'a pas correspondu aux attentes et nous en prenons acte. Apparemment, les médias n'ont pas aimé. Nous avons compris. Il faut qu'on travaille dans la transparence. Mais dans le fond, nous disons que les informations sur la santé du président et sur la vie chère n'ont pas été traitées de façon professionnelle. Au premier article de "L'Evénement", nous avons estimé que c'était dejà grave, mais avons decidé de ne pas réagir. Nous sommes intervenus lorsque le sujet sur la santé du président a fait l'objet de polémique dans les journaux et que le journal en question a enfoncé le clou.
Propos retranscrits par Abdoulaye TAO
Le Pays du 9 avril 2008