Du coup, des interrogations fusent sur les raisons d’un tel état de fait. Mais avant d’en venir à ces questions à proprement parlées, il est bien à propos de rappeler les indices qui avaient conduit nombre de citoyens à penser que le remaniement ministériel serait d’une plus grande ampleur : avant et après le départ de Salif Diallo du gouvernement, le Premier ministre, Tertius Zongo, n’a eu de cesse de laisser comprendre aux citoyens qu’il voulait améliorer notablement la gouvernance administrative et économique du Faso.
La constance de l’expression de ce souci et ses dénonciations sans ambages des tares de l’administration avaient fini par convaincre le citoyen qu’en cas de remaniement, Tertius Zongo ferait nommer des hommes et des femmes à lui (en plus de ceux que proposeraient les autres pourvoyeurs de compétences à Blaise Compaoré) afin de pouvoir passer plus aux actes.
Au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), une importance frange de militants croyaient dur comme fer que le parti serait davantage représenté en qualité (surtout) et (peut-être) en quantité à l’issue d’un éventuel remaniement ministériel. On fait même état d’intenses concertations qui n’ont pas réussi à changer la donne.
Il faut reconnaître qu’en dépit de ce qu’on peut lui reprocher, Salif Diallo, de par sa présence au gouvernement, rassurait le parti de Roch Marc Christian Kaboré grâce à son gabarit. Depuis qu’il n’y ait plus, ce n’est pas le désert mais ça y ressemble.
La Fédération associative pour la paix avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC) espérait, selon certaines sources, être davantage représentée en cas de remaniement ministériel. Du reste, elle n’a pas tort, du moment qu’une présence plus forte au sein de l’exécutif peut apporter plus de visibilité à ses actions et contribuer à mobiliser davantage de citoyens pour la cause de son mentor.
Les refondateurs du CDP tout comme ceux de la nation pouvaient également s’attendre à ce qu’on leur fasse un clin d’œil ajoutant ainsi à la probabilité d’un remaniement en profondeur.
Ces gens dont les motivations politiques voire politiciennes sont évidentes dénoncent des tares qui sont loin d’être des vues de l’esprit même si leurs méthodes laissent parfois à désirer. Ainsi, certains Burkinabè se permettaient de penser qu’en cas de recomposition de l’équipe gouvernementale, quelques-uns d’entre eux seraient conviés à servir le peuple.
Enfin, il y a quelque temps, la vie chère est passée au Faso. Et on ne peut pas dire que tous les ministres aient géré ou soient en train de gérer, ne serait-ce que du point de vue de la forme, cette situation avec une efficacité certaine. Il y en a même qui ont confondu les professionnels des médias avec l’ennemi qu’est le commerçant véreux du coin de la rue. Que c’est dommage !
Ces cinq éléments que nous venons de citer ne sont pas des preuves qui attestent que l’équipe de Tertius II devait être profondément remaniée. Cependant, ce sont au moins des indices qui autorisaient à penser, avec une certaine pertinence, que ça devait être le cas.
Pourquoi les supputations ne se sont-elles pas confirmées ? C’est la question qu’on est en droit de se poser. Inéluctablement. En fait, ce n’est que la première d’une série de questions qui, en lieu et place des réponses auxquelles elles ont droit, feront l’objet d’échafaudage d’hypothèses qui valent ce qu’elles valent. En plus de ces hypothèses, il y a ce que Dame rumeur véhicule chaque jour dans les domiciles, les rues et les bureaux sans oublier les gargotes.
Cela étant, la première hypothèse est que ce gouvernement-là est celui de Blaise Compaoré qui montre au chef du gouvernement, au CDP, à la FEDAP/BC, aux refondateurs de tous bords et à l’opinion publique que c’est lui le "primus inter pares" (premier par les égaux que sont les citoyens). On peut désapprouver sa manière mais on ne puit ne pas reconnaître que c’est ça aussi Blaise Compaoré : on le voit rarement où on l’attend.
Mais il semble pertinent de se demander pourquoi il a agi ainsi. Mis à part le fait que c’est un trait de caractère et de personnalité de Blaise Compaoré que de n e pas agir dans le sens des clameurs de la cohue, la réal politik a dû s’imposer à lui.
En effet, les poids lourds dont l’opinion publique pronostiquait le départ du gouvernement sont issus, pour au moins deux d’entre eux, de régions et de groupes ethniques qui, à tort ou à raison, s’estiment lésés.
Leur représentativité au sein de l’administration et des milieux d’affaires et sur l’échiquier politique de la majorité serait inversement proportionnelle à leurs poids démographique et électoral. Le fait que l’un de ces groupes ethniques ne dispose pas d’une province "bien à lui" alors qu’il vient en 3e ou 4e rang sur le plan démographique en aurait rajouté au problème.
Il y a aussi ces poids légers (ou plutôt mouches) qui seraient restés au gouvernement du fait des pressions de leurs protecteurs politiques et/ou régionaux malgré leurs contre-performances dans la mauvaise passe économique et sociale que traverse le pays.
Si tout ceci s’avéraient, cela signifierait que même ceux que l’on pense être des puissants ne font pas toujours ce qu’ils veulent et ne veulent pas toujours ce qu’eux-mêmes font ; mais la vie est ainsi fait que "Le berger de l’éléphant est obligé de subir (ou de faire semblant de subir) la volonté de l’éléphant".
Ce sur quoi l’observateur averti peut alors s’interroger, c’est la capacité ou la marge de manœuvre du Premier ministre à imprimer sa marque dans l’exécution du programme quinquennal du président du Faso : "contraint" de travailler avec certains ministres dont le profil, la sensibilité et l’expérience ne sont pas ceux qui font partie de son échelle professionnelle de valeurs, il n’est pas certain que ses résultats soient ceux qu’on est en droit d’attendre de lui. Mais tout ça n’est fort heureusement que spéculations. Attendons donc les résultats pour voir.
Z.K.
L’Observateur Paalga