Procès des étudiants : Comme une victoire des Etalons

Procès des étudiants

Comme une victoire des Etalons

Débuté le 24 juin 2008, le procès des étudiants ayant été accusés d’actes de vandalisme pendant la marche sur la présidence de l’université de Ouagadougou le 16 juin a connu son épilogue tard dans la nuit du 25 dernier. Le verdict était le suivant : 4 condamnés à 6 mois de prison avec sursis et les autres, soit 31 prévenus, ont été relaxés.

Cette sentence a visiblement ravi d’aise leurs camarades qui étaient venus les soutenir tout le long du procès au palais de Justice sis à Ouaga 2000. En mars dernier, les marcheurs contre la vie chère, avec à leur tête le trublion Nana Thibaut, l’enfant terrible de Samandin, écopaient de peines assez lourdes selon une grande partie de l’opinion. Par conséquent, leurs parents et amis venus les soutenir pendant les trois jours qu’a duré leur jugement repartaient du palais l’âme en peine. Autre temps, autre ambiance.

Avant-hier nuit, à ce même endroit, c’était une toute autre humeur. La raison, tous les étudiants en ressortaient pour être aussitôt libérés le lendemain à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). En effet, aucun d’entre eux n’a reçu une condamnation ferme : quatre s’en tirent avec 6 mois assortis de sursis pendant que les autres sont déclarés non coupables. Conséquence, l’on a assisté à une scène de liesse généralisée quand, vers 22h30, le verdict de ce jury, présidé par Wenceslas Ilboudo, un magistrat qui a eu son heure de célébrité quand il a été nommé juge d’instruction du dossier Norbert Zongo, a prononcé le verdict.

Force est de constater que la mobilisation des étudiants n’a pas failli jusqu’à cet instant. Depuis la veille, ils étaient là. Ceux qui habitaient les cités universitaires, ceux qui avaient pris logis en ville de même que ceux qui crèchent toujours en famille. Et s’il y a un autre acteur qui voyait d’un très bon œil cette grande mobilisation des deux jours, c’est assurément les animateurs de la cafeteria du palais dont on ne pouvait compter les nombreux déplacements en ville pour s’approvisionner en pain et autres nécessaires pour fast-food. Dans une ambiance bon enfant, les très nombreuses personnes, qui n’avaient pas eu accès à la salle du tribunal trop exigüe suivaient le procès à travers ses ouvertures, notamment les fenêtres.

Ceux qui étaient las de la position debout s’asseyaient sur des briques en ciment initialement fabriquées pour les besoins de construction du mur de cette maison où est dit le droit. Régulièrement, les provocations fusaient également à destination des gendarmes chargés de la sécurité qui encaissaient sans broncher. C’étaient des quolibets du genre « moustiques aux rangers, à bas ! » ou cette mise au point à leur endroit comme celle-ci : « Ici ce n’est pas la force qui compte ; c’est l’intelligence qui parle ; nous sommes au palais de Justice ». Des phrases sans conséquence, puisque, par moments, on verra les pensionnaires de Zogona faire cercle autour d’un pandore pour échanger. C’est donc le « je t’aime moi non plus » qui prévalait.

Peu après 22 heures, la tension monte d’un cran. Le tribunal qui avait promis ressortir de sa délibération une heure ou tout au plus une heure trente ne faisait toujours pas signe de vie. A l’aide de boîtes vides et de bâtons ramassées sur place, presque tous les étudiants ont fait face à la porte du tribunal en scandant des « Libérez-les ! Libérez-les ! » et des « On est fatigué ! On est fatigué », tout en adressant des piques à l’actuel président de l’université, le Pr Jean Koulidiaty, qui, selon eux, est à l’origine de leurs malheurs. Il y avait de l’électricité dans l’air.

Et comme pour tout gâter, une fine pluie se mit dans la danse. Mais peu après, avec le stoïcisme des forces de l’ordre et la retenue des manifestants qui se sont seulement contentés de leurs slogans, le calme revint. « Ils traînent exprès pour nous fatiguer et nous démobiliser pour la marche prévue demain » (Ndlr : le 26 juin 2008), ont déduit certains. Mais aussitôt après, on voit les plaignants se ruer aux fenêtres du bâtiment. L’heure du verdict a sonné.

Les formules lâchées par le tribunal ont d’abord créé un petit froid. En effet, après avoir entendu la formule « six mois de prisons », beaucoup d’auditeurs n’ont pas écouté le reste, c’est-à-dire l’expression juridique « sursis ». Il y en a qui en ignoraient même le sens. « Sursis là même çà veut dire quoi ? », demanda quelqu’un à son entourage. Après quelques petites explications, ce sont des cris de joie qui ont accueilli la sentence prononcée. Chacun s’empara qui de son vélo, qui de sa moto, et par petits groupes, les étudiants prirent le chemin du retour.

Direction, le quartier Patte-d’Oie, Zogona, Tampouy ou encore plus loin. S’il n’est au courant, le noctambule logeant dans ce rutilant quartier qu’est Ouaga 2000 remarquera ces groupes pédalant à vive allure et criant à tue-tête la formule « Nous avons gagné » comme s’il s’agissait d’une victoire des Etalons contre une terreur des stades africains. Tous les quartiers traversés auront eu échos de ce qui s’était passé cette nuit-là à Ouaga 2000.

On percevait aussi une certaine satisfaction du côté de la défense de ces croquants ; même si un avocat, ça manifeste rarement sa satisfaction après un procès. C’est ce qui est, en tout cas, ressorti des propos de Me Prosper Farama, à sa sortie d’audience : « Globalement, nous sommes satisfait à partir du moment où l’ensemble de nos clients ont eu la liberté. Même si nous avions espéré que d’un point de vue juridique et au regard des démonstrations que nous avions faites, tous devraient être relaxés ». Cette nuit-là, c’est sûr que les étudiants ont sablé le champagne, pardon, la bière et les sucreries dans les cités.

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga du 27 juin 2008




28/06/2008
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