Reconnaissance du Kosovo : Le Burkina est-il vraiment si désintéressé que ça ?

Reconnaissance du Kosovo

Le Burkina est-il vraiment si désintéressé que ça ?

S’il y a une indépendance qui ne fait pas l’unanimité, c’est bien celle du Kosovo. En effet, sur le sort de ce petit bout de terre de 10 000 km2, les avis sont très partagés. Il y a ceux qui reconnaissent cette décision, ceux qui y disent non et enfin les prudents, qui n’ont pas exprimé de position dessus.

Assurément, le Burkina Faso ne fait plus partie de ce dernier groupe, depuis l’annonce formelle de la reconnaissance par lui du Kosovo, faite à la presse vendredi dernier. Selon le chef de la diplomatie burkinabè, Djibril Bassolé, c’est le fruit d’une analyse de la géopolitique de la péninsule balkanique, à la lumière du droit international et des principes qui ont toujours guidé notre politique extérieure, en particulier le respect de l’autodétermination des peuples et la coexistance pacifique entre les Etats.

En réponse aux questions des journalistes, bien circonspects, il a fait remarquer qu’il n’y a pas d’intérêts cachés derrière cette prise de position et que c’est une attitude logique face au destin d’un peuple (les Kosovares) qui a tant souffert et qui aspire à vivre en paix.

Certes, il faudrait bien avoir une pierre à la place du cœur pour rester insensible au drame qu’a vécu le Kosovo. Et il n’est pas non plus confortable pour un peuple qui aspire au développement de rester pendant des années sous mandat onusien. On ne peut donc qu’apprécier l’attitude altruiste et humaniste de notre diplomatie.

Seulement, là où on ne suit pas véritablement le ministre des Affaires étrangères, c’est sur l’affirmation qu’il n’y a aucun intérêt derrière ce « oui » du pays des hommes intègres. L’on ne peut balayer du revers de la main ses propos, mais une petite analyse permet tout de même de nuancer ses affirmations.

Si on observe à la loupe les pays qui ont aussitôt « ratifié » l’indépendance du Kosovo, on peut en dénombrer trois qui ont des liens solides avec le Burkina Faso : d’abord il y a la France, laquelle a toujours été l’ami des Kosovares. La Françafrique faisant toujours son effet, il est loisible d’imaginer l’influence de cette ancienne puissance coloniale sur nous ; ensuite, les Etats-Unis, qui ont dans cette zone une base militaire, la plus grande au monde, pour épier la puissante Russie.

Or actuellement, avec le Burkina, l’Oncle Sam est en phase de filer le parfait amour vu notre élection à l’AGOA et au M.C.A ; enfin, il y a Taiwan, notre grand ami à travers les engagements nationaux et de multiples autres financements. Ce pays pourrait avoir dit oui à l’indépendance du Kosovo pour deux intérêts évidents. Primo, la solidarité. Taiwan cherche aussi à se débarrasser de l’envahissante Chine populaire par tous les moyens. Secundo, là où la Chine populaire dit que c’est noir, naturellement la République démocratique de Chine annonce bruyamment que c’est tout blanc.

Il est donc permis de penser qu’à défaut d’avoir des intérêts économiques avec ce nouveau pays, peu développé, le Burkina a accepté de faire plaisir à ses amis et du même coup à cette zone (le Kosovo), où se trouve la plus forte concentration d’armes au monde. En déclarant son indépendance, le Kosovo viole la résolution 1244 des Nations unies, qui affirma l’attachement de l’ONU à l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie. Le Burkina, qui est membre non permanent du Conseil de sécurité, donne-t-il le bon exemple par sa décision ?

Rien n’est moins sûr. Pendant qu’on y est, plus près de nous, s’il y a un territoire qui aspire depuis longtemps à l’indépendance, il s’agit bien sûr du Sahara Occidental, qui a fait du Maroc et de l’Algérie des ennemis héréditaires. Pour faire dans l’humanitaire, notre diplomatie peut-elle voir de ce côté aussi ? Et ce serait alors tant pis pour les pluies du programme Saaga.

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga du 29 avril 2008




29/04/2008
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