Se loger au Burkina : Un droit presqu’ignoré

Se loger au Burkina

Un droit presqu’ignoré

 

Le droit au logement est un droit constitutionnel. Toutefois, en raison du peu de vigilance dont font preuve les citoyens, il est généralement renvoyé aux calendes grecques par les gouvernants qui ont beau jeu de définir d’autres priorités. En cette période de vie chère, c’est un euphémisme de dire que le coût des matériaux de construction a vraiment grimpé. N’est-il pas temps de bâtir une vraie politique du logement ?

On se loge de plus en plus difficilement au Faso car le secteur échappe sérieusement au contrôle de l’État qui doit pourtant veiller au respect des droits sociaux et économiques des citoyens. Certes, la décision de bâtir des milliers de logements sociaux et la création d’une banque de l’habitat sont à saluer. Toutefois, il faut savoir aller au-delà et exercer un contrôle réel sur le coût des matériaux de construction, notamment le ciment, le fer et les tôles.

En un temps record, le prix du ciment a pris des proportions incroyables. Cela est d’autant plus révoltant que le ciment est produit au Burkina et qu’il est l’un des plus chers de la sous-région. Il y a comme une indifférence des gouvernants face à la hausse exagérée du coût des matériaux de construction. En matière de logement, et pas spécifiquement de logement social, nombre de pays voisins ou de la sous-région ont plusieurs longueurs d’avance sur le Burkina dont des responsables politiques se disent pourtant appartenir à la classe des sociaux-démocrates.

L’Etat servant parfois d’aval ou d’intermédiaire dans l’octroi de fonds internationaux, il est scandaleux de constater qu’au Faso, l’accès au crédit est un exercice des plus difficiles. Les conditions sont encore loin de la portée du Burkinabè moyen. Outre une bureaucratie pesante, certains de nos établissements financiers et bancaires continuent de pratiquer des taux d’intérêt sans commune mesure avec les réalités du contexte de pauvreté au Faso. Nos financiers et l'Etat doivent contextualiser les moyens d’accès au crédit, les assouplir de manière à permettre aux plus pauvres de bénéficier d’un meilleur soutien dans leurs initiatives. L’Etat doit reviser notamment ses taxes.

L’Etat a toujours eu du mal à exercer un contrôle réel sur les professionnels qui s’activent dans ces milieux. On en voit de toutes sortes : des gens formés aux non initiés, des ingénieurs aux tâcherons, des saisonniers aux permanents, des contremaîtres aux architectes, c’est un secteur qui vacille entre le monde de l’informel et celui du formel. De sorte qu’entre l’acquisition des marchés et leur exécution, la manipulation des fonds relève parfois de l’inédit.

Les conséquences sont fâcheuses et bien visibles. Lorsqu’un chantier est bloqué, ce sont autant de familles qui souffrent du fait de la mauvaise gestion des fonds ou de la bureaucratie pesante de l’Etat ou des établissements financiers. Le paysage urbain finit aussi par en prendre un coup: spectacle désolant de nombreuses parcelles non bâties, transformées en poubelles ou en marécages. On en trouve parfois envahies par les hautes herbes et les bestioles de tous genres. Le plus souvent, des maisons inachevées ou en ruines, servant de refuge aux délinquants de tout acabit. Le Burkina, siège de plusieurs organisations régionales et sous-régionales, s’ouvre de plus en plus aux élèves et étudiants étrangers qui cherchent aussi à se loger. On l’aura compris : la difficulté de se loger au Faso est due à l’absence d’une politique conséquente de logement. Celle-ci a favorisé le développement de l’affairisme, du clientélisme et de la corruption qui ont pris le secteur en otage. On le sait : la collusion entre politiciens véreux et affairistes indécrottables n’a jamais aidé à répondre à la demande sociale. Or, les Burkinabè n’ont jamais caché la priorité qu’ils accordent au logement.

Il faut revoir les choses pendant qu’il est encore temps. Si le coût des matériaux a pris l'ascenseur, le pouvoir d’achat du citoyen-électeur lèche encore le plancher des vaches. Il y a un minimum de moralisation à entreprendre dans le secteur du bâtiment et de la construction si l’on veut éviter à ce pays des lendemains amers. Si l’on n’y prend garde, la prochaine crise sera celle du logement.

Il est temps pour le Burkina de revoir sa politique de construction si tant est qu’elle ait jamais existé. Une vraie politique de construction qui intègre aspects socio-culturels, dimensions technique et économique. Parce que des ministères et des structures existent qui se préoccupent du cadre et de la qualité de vie et du bien-être social, ils doivent être partie prenante d’une telle politique. Un conseil interministériel chargé de concevoir, de mettre à exécution et de suivre l’évolution sur le terrain d’une telle politique serait le bienvenu, avec le concours notamment des partenaires sociaux.

Cette politique de logement devra permettre aux Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur de construire pour se loger et loger nos différents hôtes. Elle devra surtout veiller au coût et à la qualité des matériaux utilisés, qu’ils soient locaux ou importés.

L’État doit se donner les moyens régaliens de mettre fin au laxisme et à l'anarchie dans ce secteur. Car quand le bâtiment va, tout va…

 

Le Pays du 6 mai 2008





06/05/2008
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