Si ce n’est de l’ingratitude...Xénophobie en Afrique du Sud

Xénophobie en Afrique du Sud

Si ce n’est de l’ingratitude...

Des milliers d’étrangers, en majorité des Zimbabwéens, ayant fui leur pays à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail en Afrique du Sud, y sont depuis quelques jours l’objet de ratonnade par cargaisons entières.

Des hordes de Sud-Africains criant leur ras-le-bol, ou plutôt leur rage-de-bol contre la présence de ressortissants des pays voisins sont passées en boucle sur toutes les chaînes de télévision.

"Ce sont eux (NDLR : Les étrangers) qui font que nous n’avons plus de boulot", hurlent à perdre haleine des jeunes de la Nation "Arc-en-ciel". L’Afrique du Sud vient ainsi d’étaler au grand jour le fonds de xénophobie qui couve quelque part en elle.

Et pourtant, xénophobie pour xénophobie, les Zimbabwéens auraient dû être les derniers à en souffrir de la part des Sud-Africains, eux qui, dès qu’ils se sont débarrassés du système Ian Smith, ont donné gite et couvert à leurs frères encore victimes de l’apartheid.

Quelle ironie de l’histoire ou plutôt quel zeste ! Est-on tenté de dire. Ces manifestations interviennent certes dans un contexte mondial marqué par la flambée des prix des produits de première nécessité et la précarité qui en découle pour bon nombre d’Africains qui vivaient déjà au-dessous du seuil de pauvreté.

En pareille circonstance, l’on sait que la tendance est de rechercher et de trouver un bouc émissaire tout fait de qui vient tout le mal : l’étranger venu accaparer les terres ou les opportunités d’emploi dans les autres secteurs d’activités au détriment des fils du terroir.

Du Ghana de Kofi Busua expulsant des milliers d’Ouest-Africains au Gabon d’Omar Bongo sans compter le géant Nigeria et bien sûr la Côte d’Ivoire, dont le repli identitaire a produit le désastre qu’on connaît, les pays africains sont coutumiers du fait.

L’Afrique du Sud, qui a tant souffert de la ségrégation, est en train hélas d’emboîter dangereusement le pas.

Qu’on dénombre plus de deux millions de Zimbabwéens ; que ces Zimbabwéens cassent le marché de l’emploi en acceptant des salaires de misère ; que ce ne soit pas facile d’accueillir ce beau monde alors qu’on n’a pas fini de résoudre ses propres contradictions, on le comprend, mais cela ne saurait excuser la chasse aux étrangers, qui est en train de sévir dans la patrie de Mandela.

Car, de quel poids pèseront nos arguments, quels échos rencontreront nos jérémiades contre les pays occidentaux, notamment la France avec ses charters, quand nous-mêmes Africains nous comportons comme des loups pour d’autres Africains.

L’apparente passivité des autorités sud-africaines face aux événements a en tout cas de quoi sidérer.

Quoi d’étonnant du reste de la part de Thabo M’Béki, qui s’est rendu célèbre par ses déclarations pas toujours cohérentes. On se rappelle son obstination à nier la crise au Zimbabwe pendant que ce pays connaît des taux d’inflation à donner du vertige et se trouve au bord de l’explosion par suite du hold-up électoral que son ami Robert Mugabe a manigancé.

Mais, puisqu’à quelque chose malheur est toujours bon, ces centaines de milliers de Zimbabwéens dont son pays veut aujourd’hui se débarrasser sont les signes patents de la grave crise sociale que connaît l’ancienne Rhodesie du Sud, que M’Béki seul continue de qualifier d’eldorado. Si le ridicule pouvait tuer.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga du 18 mai 2008





20/05/2008
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