Soulèvement contre le maire de Gaoua : Le rejet d'une communalisation mal engagée
Soulèvement contre le maire de Gaoua
Le rejet d'une communalisation mal engagée
La ville de Gaoua vient de nous offrir un de ses épisodes qui marquera de façon indélébile le processus de décentralisation et de communalisation intégrale du pays. Le 5 mai dernier, la population de cette localité a chassé son maire. L'édile de la ville a été victime d'un soulèvement populaire, ses concitoyens récusant sa gestion des affaires de la cité. C'est une défaite cinglante pour un homme qui aspirait, selon son programme de gouvernance locale, à changer le visage de sa commune. Il faut croire que sa gestion l'a trahi, dévoilant ainsi l'écart entre sa vision à lui et celle de la communauté. Pour qu'une telle unanimité se fasse contre sa gestion, il faut que le maire de Gaoua ait forcément prêté le flanc. L'achat d'un véhicule de service tout terrain a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres.
Cette première révolte est édifiante à plus d'un titre par son caractère populaire. Les populations à la base, pour une fois, ont imposé leur diktat, leur volonté. Les légalistes pourraient rétorquer que cette façon de faire démissionner un maire n'est pas régulière et que des instances et des recours existent pour ce faire. Mais n'est-elle pas le reflet d'une situation que nous avons toujours dénoncée ? Les partis politiques détiennent trop de pouvoir dans la désignation des maires. Les électeurs qui donnent leur suffrage au parti n'ont aucune idée de qui sera leur édile. C'est la faute au système. Et les textes en la matière gagneraient à être relus pour permettre d'élire des maires connus par les populations et légitimés par elles. Une des exigences de la gouvernance locale que les candidats aux responsabilités locales n'ont pas encore comprise est la transparence dans tous les actes administratifs et financiers de la collectivité. Cette vision paraît aujourd'hui idyllique, loin des ambitions cachées des "parachutés" des partis politiques qui accaparent les municipalités et leur transmettent le venin de la malgouvernance et de la corruption. En deux ans de communalisation intégrale, on a bien vu que les partis politiques étaient les pires ennemis du processus. Toutes les communes rurales dissoutes l'ont été du fait des partis politiques qui, pour des raisons autres que celles de l'intérêt des populations, ont bloqué le fonctionnement des conseils municipaux. En la matière, le parti majoritaire, le CDP, s'est illustré comme mauvais perdant dans certaines municipalités. Comme s'il avait à lui tout seul le monopole de la gestion de la chose publique ou locale. Sa responsabilité est d'ailleurs grande dans le succès du processus de décentralisation parce qu'elle gère le pouvoir d'Etat, c'est-à-dire tous les pouvoirs de bien faire.
Les populations de Gaoua ont montré qu'on ne pouvait pas gouverner contre elles. Tant que l'élu local est "leur" maire, ce dernier doit se référer à elles à travers le conseil municipal et mériter ainsi le capital de confiance placé en lui. Il est vrai que "les collines du Bafuji" sont réputées difficiles à gérer, et l'ancien maire, Louis Armand Ouali, ne dira pas le contraire. Mais qu'un maire CDP subisse une pareille fronde montre bien la profondeur du mal. En tout état de cause, ce qui s'est passé à Gaoua repose avec clarté la problématique des parachutages et la nécessité des candidatures indépendantes.
A quelque chose malheur est bon. Il faut espérer que tous ces maires qui ont commencé à se comporter comme des roitelets au lieu de servir la communauté et de l'aider à résoudre ses problèmes de développement se le tiennent désormais pour dit. Les erreurs de gestion seront payées cash. Le ministère en charge des Collectivités locales et les théoriciens de la décentralisation devront également revoir leur copie. Car les dysfonctionnements observés tirent quelquefois leur origine des textes de base. Les partis politiques gagneraient également à être plus regardants sur le profil et la moralité de leur candidat. On a le sentiment que tous ces manquements mis bout à bout ne servent pas le processus de décentralisation. Ils le vident ainsi de son contenu.
Dans le soulèvement populaire du 5 mai, on peut percevoir une prise de conscience citoyenne qui contredit la vision étriquée de la décentralisation qui veut dupliquer les tares du système centralisé au niveau local. Si c'est une façon pour ces populations de s'approprier la gestion locale, de montrer que la gouvernance locale, c'est d'abord leur affaire, c'est un bon signe et il faut plutôt prendre date avec elles.
Le Pays du 7 mai 2008